Dans toutes les vallées pyrénéennes autrefois les sabots de bois étaient rois.
D’anciens écoliers s’en souviennent qui venaient ainsi chaussés à l’école.
Comme pour les ustensiles en bois qui servaient à cuisiner ou à conserver le lait des chèvres ou des vaches, chaque famille creusait autrefois ses propres sabots.
Dans le Haut-Couserans, ces sabots étaient creusés le plus souvent dans le hêtre, à l’aide d’outils rudimentaires, façonnés au village par le forgeron.
Les outils de « l’esclopier » ou du sabotier
– La « hucholo », hache de forme très spéciale à l’aide de laquelle le sabotier dégrossissait les quartiers.
– La « hucholo de dus cats » était un outil à manche court qui portait deux tranchants, plus ou moins larges, au bout d’un support lui-même plus ou moins long, le tout avait une forme d’ancre de bateau, évasée, dont la partie centrale était le manche. Les « hucholos » étaient les outils qui servaient à creuser progressivement le sabot (hucholo dé cata), à lui donner sa forme (hucholo dets erail). Les « hucholos » ont toutes une forme différente pour un travail précis. Se servir de ces outils demandait une grande habitude et une non moins grande dextérité manuelle.
– La « raze » se présentait comme un outil droit avec des tranchants de côté servait, elle, à aplanir l’intérieur des sabots et à finir la creuse du sabot.
– Le « coutetch », gros couteau lourd en forme de coutelas servait à dégrossir la forme du sabot.
– Le « gagniouetto », longue lame flexible de 1 cm de large et de 30 cm de long, servait à parfaire la pointe du sabot, le talon et la semelle. Il fallait l’affûter parfaitement et bien diriger cet outil dont la manipulation pouvait s’avérer dangereuse !
La forme des sabots
Elle dépendait souvent de l’adaptation à la marche sur des pentes plus ou moins raides, celles des près et des champs.
La différence de fabrique, d’une vallée à l’autre, était plutôt marquée dans la creuse du sabot, dans l’ajout de brides, dans l’existence de pointes, plus ou moins longues –très pointues à Bethmale, plus rondes du côté de Balaguère, recourbées dans les vallées d’Oust, de Seix et de Massat-.
Ces pointes n’étaient pas que folkloriques, elles avaient bel et bien une utilité : dégager facilement la semelle de la boue et de la neige qui s’y incrustait en râclant un pied sur la pointe de l’autre !
Une bride –en fer du côté de Bethmale – en cuir sur Oust, Seix ou Massat, plein bois du côté de Balaguère ou de Bethmale marquaient des différences.
Sur la semelle de gros clous, forgés à la main, à tête accrochante, permettaient d’affronter les pentes raides et enneigées.
Pour les jours de fête, on pouvait chausser des sabots, plus fins, plus légers aussi, ils étaient souvent recouverts de cuir noir pour les hommes ; les femmes elles chaussaient des sabots plus élégants encore couverts de cuir noir mais constellé de clous dorés sur la pointe dont la longueur disait-on égalait leur amour ! Parfois pour rappeler la fameuse « légende du sabot », les clous ornés prenaient, à la base de la pointe, la forme d’un cœur doré ! L’ornementation du sabot induisait même une rivalité entre les Bethmalaises qui cherchaient à avoir les plus beaux !
Sait-on encore qu’une fois le sabot fini on l’enduisait de beurre rance, de lard, qu’il pouvait être frotté à l’ail et mis à sécher, pour ne pas dire à cuire devant le feu, afin de le durcir et de le rendre imperméable ?
Par la suite les sabots furent creusés dans le bouleau, le noyer ou l’aulne. Les sabots de hêtre, plus lourds, disparurent progressivement. On mécanisa la production: le bois est alors tronçonné à la longueur des sabots, ces tronçons débités à la scie, en quartiers, puis en ébauches et coupé ensuite à la longueur exacte. Ces ébauches, mises par paires sont transformées en sabots par la façonneuse, machine automatique à reproduire, qui copie la forme exacte du modèle originel fait à la main.
Les sabots qui ont alors pris forme sont ensuite passés à la creuseuse, machine semi-automatique.
Comme la fabrique des sabots se faisait lorsque le bois était encore vert, parce qu’il était de ce fait plus facile à travailler, les sabots sont stockés et mis au séchage pendant environ six mois.
La finition, entièrement manuelle, se fait à l’aide de l’herminette pour dégager le talon, du paroir– sorte de grand couteau à lame biseautée-, de la tarière -sorte de vrille-, et du boutoir (ou ruine) permettant d’accéder au fond du sabot pour la finition.
Le sabot sera très utilisé jusqu’à la Grande Guerre. Après la seconde guerre mondiale, on le verra progressivement disparaître au profit de grosses bottes de caoutchouc. En 1950, la généralisation de l’usage du tracteur le fait disparaître même s’il reste toujours utilisé aujourd’hui par les groupes folkloriques de nos vallées : biroussans, bethmalais ou massatois.
Si vous voulez en voir et savoir davantage :
Un livre : BEGOUEN Jacques, Dans la vallée de Bethmale
Une video : http://topic.ibnlive.in.com/ajit-pawar/videos/massat-arige-les-sabots-de-marcel-wmm4woOrIBA-1881933.html
Une chanson ! « Los esclops » dont vous nous donnons ici les paroles et l’air interprété ici par le groupe Que canto !