L’Ours des Pyrénées, entre mythe et réalité

 L’OURS des Pyrénées, Ursus arctos

L'Ours des Pyrénées, Ursus arctos.Gravure

L’Ours des Pyrénées, Ursus arctos. Gravure.

 

 

 

 

 

 

L’ours brun – ursus arctos – est l’une des huit espèces d’ours vivant à travers le monde. Les mâles adultes pèsent de 120 à 200 kg et les femelles de 80 à 120 kg.
Quand les premiers hommes  abordèrent les Pyrénées, l’ours était déjà là, arpentant les forêts et les pentes escarpées de l’Ariège.
De nombreuses peintures rupestres attestent de la présence de l’ours au Pliocène, il y a environ 6 millions d’années….

Ours. Peinture rupestre

Ours. Peinture rupestre

Le galet gravé de Massat, les figurines sculptés d’Isturitz, les étranges rondelles gravées du Mas-d’Azil, l’ours criblé de traits de la grotte des Trois Frères et les sculptures en glaise retrouvées dans la grotte de Montespan, sont autant de preuves de la présence de l’ours brun des Pyrénées dès la préhistoire dans nos hautes vallées.
En ces temps là, l’ours fut vénéré comme un dieu.
Le mythe de l’ours, animal sacré du renouveau, se retrouve dans tous les massifs montagneux et forestiers où l’animal-dieu était censé chasser les terreurs hivernales, la faim, le froid, la nuit dans le subconscient des hommes…
A Seix, le chemin de Tres-ors  longe le Salat. Il vient nous rappeler, si besoin était, la présence des ours dans notre région depuis des temps immémoriaux.

Le chemin de Tresors  ou « chemin des trois ours ». Comme on le voit ici sur ce panneau peint, certains particuliers célèbrent encore à leur façon l’ancienne présence de l’ours.
Un modillon à tête d’ours, sculpté au Moyen âge, orne encore l’église paroissiale de Seix et, dans le village voisin, à Oust, l’ancienne laiterie – fromagerie porte elle aussi l’empreinte de cet animal qu’elle prit pour emblème du temps de son activité florissante.
Dans le cloître de Saint-Lizier, un chapiteau comporte une sculpture d’ours entraîné par un homme au moyen d’une corde…
Aujourd’hui le territoire de l’ours s’est réduit et l’ours est devenu le plus menacé de nos mammifères terrestres.

Magazine de 1946

Magazine de 1946

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il a disparu des Alpes dès 1937.

A cette date il en restait encore environ 200 dans les Pyrénées… Leur forte régression relève de plusieurs causes.
Selon un rapport de B. Glass au gouvernement daté de 1981  « les causes qui mettent directement l’animal en péril sont, depuis la disparition des derniers piégeurs et montreurs d’ours, le poison et le fusil »…. « Les autres causes relèvent de la modification générale du biotope de l’ours et surtout du facteur dérangement qui joue un rôle primordial. » [in La Documentation française, Paris, 1981]

Ours lors d'une exposition internationale

Ours lors d’une exposition internationale

Ursus arctos, Qui est-il ?

Ours au bain

Ours au bain

Minuscule à sa naissance – l’ourson ne pèse alors que 200 à 300 grammes -, il peut atteindre le poids de 65 à 200 kilos pour une femelle adulte, et de 80 à 300 kilos pour un mâle adulte.
Dressé sur ses pattes arrière, l’ours des Pyrénées peut atteindre une taille de 2m- 2m10 ; au garrot, seulement 90cm à 1m.

Ours dressé sur ses pattes arrières

Ours dressé sur ses pattes arrières

 

 

S’il a la vue basse, son ouïe, elle, est extrêmement fine, son odorat et son goût particulièrement développés.
Il est considéré comme un animal très intelligent.
L’ours est un omnivore. Son régime est essentiellement végétarien (à 80%). Il se nourrit de faines, de glands, de tubercules, de myrtilles, de framboises, de sorbes et d’herbes tendres. Il est aussi friand d’insectes, de charognes, de petits rongeurs.


S’il ne dédaigne pas un tendre mouton, son régime alimentaire, dans les Pyrénées, est constitué aux trois quarts de fruits sauvages, de miel, de tubercules et de végétaux divers. Il  a également une prédilection pour les fourmis.
Les ongulés sauvages ou domestiques comme les moutons ne représentent que 8 % de son alimentation.

L'ours. Son régime alimentaire

L’ours. Son régime alimentaire

 

 

 

 

 

 

 

 

Il passe l’hiver dans une tanière, grotte naturelle ou terrier creusé dans un sol meuble. Durant son hibernation, à la différence de la marmotte, il n’est pas plongé dans un sommeil profond. Les vieux mâles et les jeunes adultes peuvent effectuer des sorties.
Après l’accouplement – de mai à mi juillet -, le mâle qui vit en solitaire laisse la femelle s’occuper seule des petits : un ou deux en général, très rarement trois par portée. Ces jeunes naissent l’année suivante dans la tanière.
Lors de l’allaitement, l’ourse est assise ou allongée pendant que les petits tètent. Il leur faudra 5 semaines pour ouvrir les yeux.


L’ourson ne quitte jamais sa mère pendant les deux premières années de sa vie. Sa morphologie change rapidement : à un an, il pèse15 kilos, à 3 ans il en pèse 50.

ours des Pyrénées

ours des Pyrénées

Le pelage à épaisse fourrure de l’ours des Pyrénées varie du beige au brun.

Ursus arctos, Où vit-il ?

Ours ariégeois

Ours ariégeois

 

 

 

 

 

 

 

Cette ourse et ses trois oursons ont été observés le 9 octobre 2011  en Ariège. En planque pour le brame du cerf, le photographe a eu la chance d’observer et de photographier une ourse suivie de trois oursons.

L'ours. Son milieu de vie

L’ours. Son milieu de vie

Réfugié dans les forêts où il se sent en sécurité, à flancs de montagne, l’ours arpente les pâturages à la recherche de nourriture. Malgré son aspect lourdaud, l’ours est capable de grimper aux arbres avec dextérité.
S’il est capable de déraciner les arbres sur lesquels il se frotte, il cueille aussi avec délicatesse myrtilles et autres baies sauvages.
Contrairement à la légende, l’ours brun est essentiellement végétarien, il sait s’adapter aux ressources de son milieu et, selon les saisons varier son alimentation (TDC, MEN, 1985).
A l’approche de l’hiver, les ours rejoignent la tanière familiale qui se trouve à flanc de montagne. Parfois ses traces trahissent sa présence.

traces de pattes d'ours

traces de pattes d’ours

A l’intérieur de  la tanière la mère et ses petits, se tiennent serrés. Sur le sol sont entassés des branchages sur 30cm d’épaisseur ce qui constitue un véritable matelas isolant. Pendant son sommeil hivernal, parfois interrompu, la température du corps de l’ours baisse et son cœur bat dix fois moins vite qu’en été. La femelle ourse ne mange pas pendant l’hiver, une épaisse couche de graisse la protège mais, au printemps, elle aura souvent maigri de plusieurs dizaines de kilos.
Pendant ce temps, l’ours mâle lui, vit seul, dans une autre tanière.
L’exploitation moderne de la forêt fait que les routes et chemins ouverts pour accéder en montagne aux lieux de coupes deviennent souvent autant de voies nouvelles pour les ramasseurs de champignons, pour les chasseurs ou pour les amateurs de 4/4, quads ou engins de même type. Ce dérangement incessant est un des facteurs de la disparition de l’ours des Pyrénées.

ours données biologiques

ours données biologiques

Le poids de l’histoire et l’élaboration d’un mythe
L’ours dans la mythologie chrétienne et populaire
Selon la Bible, David le berger doit défendre ses brebis contre un ours et un lion. Dans l’ Ancien testament Élisée prononce une malédiction au nom de Yahvé (Jéhovah) contre deux enfants qui se moquent de lui : aussitôt, une ourse jaillit des   bois et les dévore…
De manière générale, les apparitions de l’ours dans la mythologie chrétienne sont celles d’un animal dangereux et féroce.
Dès l’origine, tous les rituels liés à une forme de vénération de l’ours, ainsi que les déguisements souvent associés à des pratiques transgressives liées à la sexualité et à la fertilité, vont être interdits et sévèrement combattus par les autorités chrétiennes.
Ainsi, vers 852, Hincmar de Reims ordonne aux évêques de sa province de ne pas les tolérer, Adalbéron de Laon fera de même quelques décennies plus tard.
Les déguisements d’ours sont interdits par l’Eglise, au IXe siècle et bientôt les « jeux avec des ours », peut-être inspirés de ceux du cirque de la Rome antique,  sont également proscrits.
Cela ajoute à la valeur transgressive des « fêtes de l’ours » organisées encore aujourd’hui dans les Pyrénées orientales –à Prats de Mollo, par exemple-. De nos jours le culte de l’ours se retrouve encore sous des formes « folklorisées » mais très ancrées dans la tradition locale des Pyrénées. Ce sont généralement des manifestations liées au Carnaval et au renouveau du printemps, symbolisées par la sortie de l’hivernation de l’animal qui a lieu à la Chandeleur – anciennement nommée jusqu’au XVIIIe siècle « Chandelours » en souvenir de son origine -.
Des chasses à l’ours très ritualisées ont lieu : un homme est revêtu de fourrures, le visage noirci ou masqué, il court les rues en donnant la chasse aux femmes, avec des simulacres sexuels très explicites, puis il est pris en chasse par des chasseurs et divers personnages aux masques et tenues également ritualisés, avant d’être mis à mort. La mort de l’ours n’est que provisoire, car chacun sait qu’il reviendra l’année suivante. Ces festivités ont lieu plus souvent en Soule, en Bigorre, en Andorre et dans les Pyrénées-Orientales.
C’est que la vénération des animaux allait à l’encontre des préceptes de la foi chrétienne médiévale, fortement imprégnée des récits de saint Augustin.

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Un bateleur montreur d’ours dans l’œuvre de saint Augustin, Commentaire sur l’évangile de Jean, vers 1125.

Saint Augustin prônait la supériorité de l’homme sur les animaux, considérés comme des êtres inférieurs et imparfaits. Ainsi, affirme-t-il dans son Sermon sur Isaïe que « l’ours, c’est le Diable » !
Les contes et légendes du Moyen âge ont octroyé à la bête une puissance hors du commun et la transforment en animal mythique.
La plupart des ouvrages savants du Moyen Âge traitant des animaux sont inspirés de sources antiques. Les bestiaires reflètent la conviction que Dieu a créé les animaux et les plantes. L’ours y est très présent, associé à plusieurs légendes sur sa reproduction et ses mœurs sexuelles, en relation avec la symbolique christique. Ainsi, en plus de la légende de l’accouplement ventre à ventre et des plaisirs que l’ours est censé ressentir comme les humains, relatée par Pline l’Ancien, figure très souvent la croyance – colportée par les encyclopédistes – selon laquelle l’ourse donne naissance à des oursons à peine ébauchés, afin de pouvoir copuler le plus souvent possible, car le mâle refuse de la saillir tant qu’elle est pleine.
Les auteurs des bestiaires ajoutent que l’ourse lèche ensuite longuement ses petits pour les ranimer et leur donner forme, et mettent cet acte en relation avec le repentir, la résurrection divine et le baptême.
Hildegarde de Bingen évoque l’ours de manière ambivalente, insistant sur la symbolique christique de la femelle qui ressuscite ses petits en les léchant, mais aussi sur l’attrait du mâle pour les jeunes femmes, et sa violence lorsqu’il a été « mal léché » par sa mère (d’où l’expression !).

L’ours, dans la mythologie populaire et rurale est censé donc posséder une sexualité débridée qui le pousse à s’accoupler avec des femmes ! Rappelons à ce titre que le célèbre conte Jean de l’ours,  connu par tous les habitants de la chaîne pyrénéenne, commence ainsi :

« Il était une fois une pauvre femme qui coupait du bois dans la forêt lorsque l’Ours l’enleva et l’emporta au fond de sa grotte. Après quelques mois, la femme mit au monde un garçon qu’elle nomma Jean… ».

Si les péripéties du conte varient et que les aventures de Jean de l’Ours diffèrent légèrement parfois, d’un territoire à l’autre, la situation initiale du conte, elle, ne varie jamais.

Jean de l'Ours

Jean de l’Ours

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur cette page de couverture on voit très bien que Jean est le fruit d’un croisement entre un ours et une femme. Sa pilosité et la force hors du commun dont il fait preuve dans ses aventures le confirment. La « folklorisation » progressive des différentes versions a tendu à atténuer la nature fondamentalement duale et ambiguë du personnage, écartelé entre sa nature animale, sauvage, païenne voire satanique, et son humanité aspirant au spirituel et à la religion, pour en faire un gentil, un héros positif. Dans des versions anciennes, Jean de l’Ours terrifie les gens par sa laideur et fait le mal sans le vouloir avec sa force démesurée.
A partir du XIIe siècle et durant des siècles, en Europe, les montreurs d’ours vont parcourir, les villes et les villages avec des ours dressés, muselés, enchaînés.
Il semble que ces spectacles aient bénéficié d’une certaine tolérance de la part des autorités chrétiennes, qui s’opposaient pourtant normalement à toute mise en scène d’animaux : elles avaient trouvé là, semble-t-il, le moyen de lutter contre les derniers cultes liés à l’ours en présentant cet animal, symbole de force et d’intelligence, sous l’aspect d’une bête domptée et ridicule.


Le montreur d’ours. Guillaume de Saint Pathus, Vie et Miracles de Saint Louis, fin XVe s. Département des manuscrits, BNF2829, fol. 22

Le Roman de Renart, rédigé aux alentours de 1200, met en scène des animaux anthropomorphes représentatifs de la perception que l’on avait d’eux à l’époque, ainsi, le lion, nommé « Noble », est présenté comme un roi débonnaire, tandis que l’ours, nommé « Brun », nous est montré comme un goinfre naïf, sot, maladroit et peureux, constamment humilié par Renart. L’ours est même le seul animal dont la mort soit mise en scène : trompé par Renart, Brun sera lâchement abattu par un paysan qui en fait des réserves de viande pour l’hiver. Il semble que ce passage fasse écho à la déchéance de l’ours du trône de roi des animaux en Europe.

Le temps des montreurs  d’ours

Autrefois animal libre et sauvage, l’ours devient peu à peu cet animal de cirque que l’on montre dans les foires et sur les marchés, muselé et enchaîné.
En France, c’est en Ariège et tout spécialement dans les vallées de l’Alet et du Garbet que l’on voit se développer, dès le XVIIIe siècle, le métier de montreurs d’ours. Les villages d’Ustou, d’Aulus, d’Ercé et d’Oust comptent alors bon nombre d’éleveurs et de dresseurs d’ours.


Ce métier, pratiqué depuis le Moyen-âge dans toute l’Espagne par les tziganes et les bohémiens a suscité des vocations parmi les hommes de nos vallées qui avaient l’habitude de franchir la frontière. C’est ce qui donnera probablement l’idée à un habitant d’Ustou de capturer puis de dresser les oursons capturés dans les montagnes environnantes.
Les conditions de vie difficile de ces vallées – bien plus peuplées alors que de nos jours -, expliquent en partie le développement de ce métier. Ce métier permettait alors, tout comme la pratique du colportage dans les vallées voisines, de subvenir aux besoins des familles les plus pauvres.  Cette activité qui débute au XVIIIe siècle ne périclitera que dans la seconde moitié du XIXe siècle.
C’est à Ustou, qu’apparaissent les premiers montreurs d’ours pyrénéens. L’oussailler ariégeois qui dressait l’ours  prenait des risques car, au moment de la capture de l’ourson, l’ourse défendait avec férocité ses petits.

Les oursons sont capturés, castrés, élevés et dressés puis emmenés sur les foires et les marchés où ils servent d’attraction ; on leur prête toutes sortes de pouvoirs de guérison pour qui veut bien les caresser…
Le village d’Ercé a créé un espace muséal consacré aux montreurs d’ours ; un bulletin spécial  La mémoire du Garbet  en date du 24 novembre 2011 s’intitule « Les montreurs d’ours de l’Ariège ». Il comprend des tableaux donnant les noms avec les sobriquets d’environ 600 montreurs d’ours, dont 413 de la commune d’Ercé, 98 d’Ustou, 70 d’Oust, 10 d’Aulus-les-bains, 9 des autres communes.
Les photos qui suivent disent assez l’importance prise au XIXe siècle par ce petit métier dans les vallées.


On va parfois même obliger l’ours à jongler ou à faire du vélo…

Au début du XXe siècle, ce n’est qu’à titre folklorique que l’on peut encore apercevoir en Ariège et en Haute Garonne quelques montreurs d’ours.
Image emblématique s’il en est de ce petit métier en vogue autrefois en Haute-Ariège, un montreur d’ours s’acheminant, accompagné de son ours, vers les villes avoisinantes  L’homme avec sa bête en laisse, partait à pied, vêtu de grosse bure, coiffé d’un grand chapeau ou d’un énorme béret, tenant d’une main un solide bâton de cornouiller et de l’autre la chaîne à laquelle l’ours  muselé était attaché.

Le temps des inventaires
L’ours va ressurgir en Haute Ariège, d’une toute autre manière, au temps des inventaires.

Ariège.Cominac. L'inventaire

Ariège.Cominac. L’inventaire

C’est maintenant le poids de l’histoire qui va contribuer à lui conférer un peu de cette valeur mythique dont il ne se départira plus jamais.
9 décembre 1905 : La loi de séparation de l’église et de l’Etat est promulguée par le Président de la République.
11 décembre 1905 : Publiée au Journal officiel, la loi entre en vigueur au 1er janvier 1906.
La loi affirme la neutralité de l’État dans les questions religieuses. L’article 2 met fin au régime des cultes reconnus et subventionnés par le budget de l’État. La liberté de conscience et la liberté collective de pratiquer une religion sans entraves sont garanties par la loi.
24 décembre 1905 : Grand « banquet de la Séparation ».

Aristide Briand

La loi achève un processus qui, depuis l’arrivée des Républicains au pouvoir (1879), vise à réduire le poids de l’Église catholique dans la société. Protestants et juifs acceptent sans heurt d’être détachés de l’État, malgré une certaine crainte de perdre la protection due au statut de culte reconnu. Mais pour les catholiques, la séparation est un drame : la fin d’une alliance de 1400 ans entre la France et l’Église (baptême de Clovis, 496) ; le retour à la déchristianisation révolutionnaire.
Pourtant, la séparation est en germe dès 1801 quand, préservant la liberté de conscience proclamée en 1789, le Concordat déclare le catholicisme seulement “ religion de la grande majorité des Français ”. La coexistence des croyances, la libre expression de l’anticléricalisme et de l’athéisme, la laïcisation de la vie et de l’enseignement publics y préparent normalement les esprits.
Mais les catholiques français refusent l’application de la loi. Ils ne forment pas les “ associations cultuelles ” prévues pour “ subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte ” (art. 25). Pire ! Ils s’opposent aux inventaires destinés à distinguer biens publics et biens des Églises (art. 3).
La résistance est en général pacifique – églises fermées ou barricadées, lectures de protestation par le curé, sonneries de cloches, rassemblements de fidèles disant prières et cantiques -, mais elle réédite parfois d’anciennes formes de violences politiques et sociales.

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Page de couverture du Petit journal où l’on voit des paysans armés de fourches défendent farouchement les biens de l’église en s’opposant aux forces de l’ordre

Février 1906 : L’application de la loi de séparation donne lieu à de violents incidents à Paris et dans plusieurs départements au moment où l’administration procède aux inventaires des biens cultuels et demande l’ouverture des tabernacles.
La loi de Séparation est condamnée, le 11 février 1906, par le pape Pie X dans la lettre encyclique Vehementer nos  qui critique les articles 4, relatif aux associations cultuelles, et 8, attribuant au Conseil d’État la connaissance de contestations relatives aux biens réclamés par plusieurs associations ; le pape encourage les catholiques français à s’opposer aux inventaires ; puis le 10 août 1906, par l’encyclique Gravissimo offici, il interdit  la formation des associations cultuelles prévues par la loi pour administrer les biens mobiliers et immobiliers nécessaires à l’exercice du culte.
Dans une France aux campagnes pleines, ces troubles rappellent une longue lignée d’émotions paysannes, dont celles dues à la venue du collecteur d’impôts.
La loi de la séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905, mettant fin à un siècle de Concordat, impose l’inventaire des biens des paroisses par le décret du 29 décembre.
Les catholiques s’opposent aux inventaires, refusent de constituer les associations cultuelles destinées selon la loi à subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte. Les prêtres refusent de remplir les formalités auxquelles la loi les soumet.
La force publique intervient afin de protéger les fonctionnaires chargés d’ouvrir les tabernacles; des échauffourées ont lieu à Paris, en Bretagne, en Auvergne, dans les Pyrénées et en Savoie.
En Ariège les opérations débutent à partir du 29 janvier et se poursuivent jusqu’au 10 mars 1906. L’analyse des trois cent soixante huit inventaires démontre que l’application de ce décret ne s’est pas faite sans incidents.
La résistance s’est organisée de façon passive, simple protestation, ou de manière violente. A Camarade, dans le canton du Mas-d’Azil, le percepteur est accueilli par un jet de pierres, de morceaux de bois et d’œufs.
La protection du percepteur chargé d’inventaire par les gendarmes accentue l’hostilité.

Caricature des inventaires

Caricature des inventaires

Cette carte de caricature politique comporte le fameux slogan « Les ours l’ont bâtie, c’est eux qui l’ont défendue » à propos de l’église de Cominac. Elle comporte également un extrait du discours d’Aristide Briand, farouche défenseur de la séparation des biens de l’église et de l’état qui dit ceci : « Ce sont les royalistes et les ultramontains soudoyés et surexcités par des comités occultes qui entravent les inventaires légaux ».

Le célèbre événement des Inventaires de Cominac se déroula  le 6 mars 1906. La communauté villageoise avec son curé prend une décision originale et spectaculaire pour faire fuir le représentant de l’Etat.  Des ours, à l’apparence redoutable, participent à cette manifestation pour empêcher le bon déroulement de l’inventaire. Le curé a revêtu ses vêtements liturgiques donnant à cette péripétie un caractère solennel et institutionnel.


Inventaire de Cominac. Les oussallers dressant les ours à se servir de la trique

Le percepteur d’Oust accompagné d’une escorte de gendarmes à cheval se voit donc obligé faire demi-tour après une belle pagaille provoquée par la peur des chevaux. Cet épisode a été immortalisé par une série de cartes postales (six au total).
Les cartes postales montrent la défense de la petite église de Cominac par des fidèles accompagnés d’ours, l’une d’entre elles fera la une de la page de couverture de l’Illustration, journal de l’époque. Elle montre une France encore ancrée dans des traditions séculaires. Les costumes soulignent la permanence de la vie rurale. La présence des femmes, des enfants indique une communauté soudée autour de l’église, considérée alors comme la maison de tous. L’atmosphère d’inquiétude et de détermination est palpable sur les visages et dans le fait que tous se tiennent serrés les uns contre les autres.
14 mars 1906 : Le Cabinet Sarrien, comprend trois anciens ministres du cabinet Rouvier et fait appel à des progressistes et à des radicaux. Georges Clemenceau est ministre de l’Intérieur, Aristide Briand ministre de l’Instruction publique et des Cultes. Le cabinet de concentration républicaine obtient la confiance par 299 voix contre 199 (droite et Union démocratique) et 50 abstentions. Clemenceau ordonne aux préfets la suspension des inventaires. « Quelques chandeliers ne valent pas une révolution », déclare-t il. Cette formule est restée dans les annales !
mai 1906 : La gauche remporte les élections législatives. La laïcité prend définitivement forme.
Les quatre documents qui suivent nous montrent la perception de l’événement par les Ariégeois : quelques réactions et prises de position donc, au moment de la mise en oeuvre et de l’application de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat.
La réaction du préfet de l’Ariège de l’époque d’abord, puis celle des catholiques ariégeois et enfin celle d’un républicain :

Document 1 : Lettre du Préfet de l’Ariège au ministre de l’Intérieur, 9 mars 1906, 2e Bureau, affaires politiques.
«  J’ai l’honneur de vous informer que l’inventaire de la commune d’Ercé (Cominac) n’a pu avoir lieu le 16 mars denier. Bien avant l’arrivée du percepteur, de l’adjoint au maire et de deux gardes champêtre, les cloches ont sonné et les habitants se sont dirigés vers l’église.
                  Lorsqu’il arriva, le percepteur se trouva, à l’église, en présence d’une foule compacte d’environ 300 personnes ( tout le village » comprenant au moins 100 hommes et 200 femmes, filles ou enfants, en plus de 3 beaux ours que tenaient en laisse leurs propriétaires respectifs, et 4 curés ; celui de Cominac, celui d’Aleu, le vicaire d’Ercé et le curé d’Aulus.
               Le percepteur ayant fait connaître l’objet de sa mission, le curé de Cominac répondit par une longue et véhémente protestations, et lui remit un acte notarié constatant que l’église de Cominac avait été acquise et construite par le seul concours des habitants de la section de Cominac, par des dons et souscriptions en nature ou en argent.
               Loin de chercher à contenir la foule et de la calmer, le curé fit appel au dévouement de ses fidèles, pour résister par la force aux opérations de l’inventaire. Le curé d’Aleu qui était venu prêter main forte à son collègue, a engagé aussi tôt les habitants à la résistance à outrance, terminant par ses paroles : « nous résisterons jusqu’au bout, car nous préférons mourir dans le sang plutôt que de vivre dans la boue ».
              La perception adressa quelques paroles à la foule, pour protester contre les allégations du desservant, et déclara que la loi recevrait son exécution.
               En présence de la résistance passive qui lui était opposée, il prit le parti de se retirer.
               Je dois ajouter que cette population est composée de très bons contribuables et de gens très paisibles, qui avaient crû devoir protester, non  contre le percepteur, mais contre l’application de la loi.
               Il est à présumer qu’aucun incident grave ne se produira lorsque l’agent auxiliaire des domaines se présentera de nouveau pour faire l’inventaire ; mais il faut néanmoins s’attendre, cependant, à une très vive résistance de la part des gens qui ont la certitude que le droit de propriété qu’ils ont sur leur église, se trouvera menacé et deviendra illusoire. »   
Document 2 : « Nos trois députés assassins », Extrait du journal La Croix de l’Ariège du 6 mai 1906.

« Voilà encore un bien gros mot jeté à la face de nos trois représentants.
Et cependant, il est rigoureusement exact.
Comme cela arrive bien des fois, après s’être fait voleurs, nos trois députés se sont faits ASSASSINS.
Pour appliquer leur loi VOLEUSE, le Gouvernement dont ils sont les complices a eu le cynisme d’employer la force armée.
Les catholiques, comme c’était leur droit, ont résisté à cette invasion sacrilège.
Deux d’entre eux, deux hommes du peuple, Ghisel et Régis André, ont versé leur sang et se sont fait tuer pour la défense des sanctuaires.
Ils ont été ASSASSINÉS par les cambrioleurs officiels.
Qui donc a la responsabilité de ces abominables assassinats ?
Ce sont ceux qui ont voté la loi. Ce sont nos trois députés
Oui, M.M Tournier, Delcassé, Galy-Gasparrou ont sur les mains cette grosse TACHE DE SANG.
Electeurs honnêtes de l’Ariège, vous ne renverrez pas à la Chambre ces trois assassins
NB : Des messes ont été célébrées à Foix et à St -Girons à la mémoire des deux martyrs. »

…On appréciera bien sûr la modération des propos des très catholiques auteurs de cet article et l’emploi qu’ils font ici des majuscules!

Document  3 : sous le titre « Attention au traquenard ! », nouvel extrait du journal la Croix de l’Ariège du 5 août 1906.
« Un appréciateur non suspect, M. Flourens, ancien ministre des affaires étrangères a fait paraître sur la loi de séparation une étude très remarquée. Voici ce qu’il dit de cette loi dans la lettre qu’il adressait au journal l’Éclair :
« Croyez-en mon expérience d’ancien directeur des cultes ; la loi de 1905 est un épouvantable traquenard tendu aux catholiques. La franc-maçonnerie prépare le krach du catholicisme. C’est un triomphe que nous devons faire tous nos efforts pour lui ravir. Beaucoup de catholiques sincères auront les yeux dessillés et ne tomberont pas dans le piège »

Voilà une affirmation qui mérite de contrebalancer les doucereuses protestations de ceux qui ont fabriqué la loi ».
Sous le titre cette fois de « Rome contre la Nation » voici maintenant l’article paru dans le  journal le Républicain Saint-Gironnais du 2 septembre 1906 :
« La loi 9 du  décembre 1905 qui a établi la séparation des Eglises et de l’Etat était une loi essentiellement libérale.
Elle garantissait à perpétuité au culte catholique l’usage des édifices religieux ; elle assurait aux vieux prêtres des pensions viagères, aux autres des allocations temporaires ; elle autorisait, dans les conditions les plus larges, la formations des associations cultuelles chargées de gérer, tout comme les fabriques autrefois, les biens de l’Eglise.
       Avant les élections générales, les ennemis de la République tentaient d’égarer les  populations sur le sens de cette loi. A propos des inventaires, formalité banale, destinées à consacrer la transmission des biens des fabriques aux associations cultuelles, les hommes des anciens régimes firent dans tout le pays un essai de guerre civile. L’occasion leur parut bonne pour essayer  le renversement de la République. Le pays ne se laissa point prendre au piège et, par une majorité considérable, il ratifia la loi libérale de séparation.
            Au lendemain de ces élections décisives, où le suffrage universel avait parlé si haut, les hommes de bon sens de tous les partis exprimèrent le désir que la loi de séparation  fût appliquée dans l’ esprit le plus large et le plus. Tolérant. Le ministre de l’instruction publique et des cultes donna l’exemple. Ses circulaires furent inspirées par le désir sincère de voir s’éteindre chez nous les querelles religieuses, afin que la république débarrassée de ce souci, pût poursuivre sa tâche de progrès social.
            La plupart des catholiques se disposèrent à accepter la nouvelle loi. Mais les intransigeants veillaient. Ce n’est pas la paix qu’ils voulaient : c’était la guerre ».

Alors ? Faut-il considérer les Ariégeois comme des conservateurs ? ou sont-ils tout simplement très attachés à leurs usages ?
Avec le recul de l’histoire, cette protestation apparaît moins comme une remise en cause de l’idéologie républicaine que comme un problème de mentalité : l’histoire de l’Ariège fournit bon nombre d’exemples illustrant cette démarche particulière qui consiste à s’opposer à la loi, à faire obstruction à ce qui vient de l’extérieur.
Ces incidents doivent être remis dans le contexte local pour en comprendre l’essence. Il s’agit là d’une contestation relativement traditionnelle contre un élément venant de l’extérieur.

Toujours est-il que, ce jour là, le percepteur, face à cette opposition, préférera se retirer plutôt que de forcer le passage vers l’église. L’ours devient ainsi malgré lui le héros d’une  journée historique restée fameuse.
Le choix de l’ours, comme gardien des lieux, reste profondément symbolique et significatif car l’ariégeois et l’ours apparaissent un peu plus encore comme deux entités indissociables. Leurs deux «  histoires » sont intimement et définitivement liées, même si une autre période,beaucoup plus sombre celle-là, s’ouvre alors pour l’ours en Ariège.

Le temps de la chasse à l’ours

La chasse à l'ours dans les Pyrénées

La chasse à l’ours dans les Pyrénées

Vaincre un ours fut longtemps considéré comme un exploit héroïque : Baudouin Ier de Flandre, dit « Bras-de-fer », est réputé avoir tué une bête qui ravageait Bruges, tandis que Godefroi de Bouillon, héros des croisades, passe pour avoir sauvé un pèlerin attaqué par un ours en affrontant l’animal au corps à corps, même si, selon Michel Pastoureau, ce combat n’a jamais eu lieu, la légende associée ne servant en fait qu’à renforcer son prestige !

Chasse à l'ours. miniature de Froissart

Chasse à l’ours. miniature de Froissart

 

 

 

 

Chasse à l’ours dans les chroniques de Jean Froissart, fin du XVe siècle.

Froissart nous a laissé un récit : celui de la rencontre entre Pierre de Béarn – cousin de Gaston Phébus -,avec un ours d’une taille  « prodigieuse », acculé par une meute  et qu’il finit par tuer de son épée.
En 1557, une chasse eut lieu en Ariège, chasse à laquelle participa Catherine de Médicis et où Arnaud de Lautrec fut lui tué par un ours qui le précipita dans les rochers…
Ce n’est qu’après les grands massacres d’ours, à l’époque de Charlemagne, que la chasse à l’ours va peu à peu être dévalorisée et perdre son statut de chasse royale au profit de la chasse au cerf, plus facile à contrôler et surtout plus « civilisée ».
Il n’en reste pas moins que les récits de chasse à l’ours ont un tel accent tragique qu’ils ont imprégnés, des siècles durant, les mentalités.
Cette accentuation tragique particulière est due au fait que la chasse  se pratiquait alors au corps à corps.
Certains récits prennent de ce fait une dimension épique ; colportés de bouche à oreille, ils sont ensuite racontés le soir, lors des veillées, souvent grossis, enflés par le talent et la verve des conteurs.

Dans les Pyrénées la chasse à l’ours va perdurer, exacerbant et alimentant, encore aujourd’hui, une polémique ultra sensible, celle de la réintroduction de l’ours dans nos montagnes car, faut-il le rappeler, il existe aujourd’hui un plan légal de sauvegarde de l’ours dans nos montagnes pyrénéennes.
Il fut un temps en effet où les chasseurs ariégeois – tout comme ceux de la vallée d’Ossau -, se faisaient un point d’honneur de chasser l’ours, poussés par le goût du risque ou par l’appât du gain : des photographies les montrent promenant fièrement la dépouille de l’ours dans la vallée, comme s’ils avaient réalisé là un exploit qui leur vaudrait une considération exceptionnelle !
En 1975, dans le journal  La Vie du Couserans , J.M. Boineau aborde l’histoire de l’ours en Ariège en recensant toutes les grandes chasses et tous les chasseurs du début de siècle, souhaitant corriger toutefois les exagérations notoires des uns et des autres qui tous croient avoir vu les ours ou se vantent de connaître ceux qui les ont tués, convaincus qu’ils sont de détenir la vérité sur l’ours.

Boineau confirme qu’entre 1816 à 1900, une soixantaine d’ours ont bien été tués en Ariège et qu’entre 1900 et 1927, une trentaine d’entre eux périssent par arme mais aussi par empoisonnement.
J.M. Boineau nous dit encore que pendant la guerre 14-18, le prince de Monaco vient chasser l’ours en vallée de Bethmale et que, malgré un nombre impressionnant de rabatteurs, nul ne réussit à tuer un seul ours…
En juin 1925, à Sigueille (Aston) , Paul Lacube capture un ourson et en décembre 1926 une ourse et un ourson sont abattus du côté d’Aston mais deux oursons réussissent à s’échapper.
Une accalmie se fait jour mais entre 1940 et 1950, une demi douzaine d’ours vont être tués de nouveau. Dans les années 50, plusieurs cadavres d’ours sont trouvés à la cascade de Bibet (Seix), au port de Guillou (Aulus) et au port de Bouet (Auzat). Enfin, en mars 1953, un ours est tué en Andorre, il sera vendu dans une boucherie toulousaine de la rue du Taur.
C’est la protection de l’ours, décidée au niveau national qui croit-on alors mettra enfin un terme à la tuerie et Boineau de conclure « rappelons que, officieusement, toute la chaîne pyrénéenne abrite une vingtaine de plantigrades qui, quoique protégés depuis vingt ans, sont menacés de disparition par la consanguinité, le braconnage, les empoisonnements et l’aménagement de la montagne, lequel dénature les vastes coins sauvages où l’ours trouvait la nourriture, l’abri et la tranquillité »[La Vie du Couserans, St Girons, 8 nov.1975]

Les trophées de chasse

Les trophées de chasse

Caricatures respectivement parues dans le Nouvel Observateur et dans Charlie Hebdo dans les années 2000 avec ce commentaire : des pièges à ours composés de miel et de morceaux de verre ont été découverts dans les Pyrénées, en Ariège. Probablement une mise en garde adressée par les opposants à l’ours, actuellement en phase d’hibernation, a-t-on appris jeudi de sources concordantes… Les pièges à ours ont été découverts le jour où le tribunal administratif de Toulouse annulait partiellement l’arrêté de chasse en vigueur dans l’Ariège, estimant qu’il ne protégeait pas suffisamment l’ours, provoquant une nouvelle fois l’ire des opposants au plantigrade.
La réintroduction de l’ours dans les Pyrénées

ourse et ses petits

ourse et ses petits

La protection de l’ours, nous oblige à aborder le délicat problème de sa réintroduction pour les raisons citées précédemment.
Le cadre passionnel qui entoure la réintroduction de l’ours rend difficile tout discours sur ce sujet : la majorité de l’information diffusée est en effet souvent empreinte du caractère mythique de l’animal… S’en suivent au mieux, des débats acharnés, au pire, des débordements de violence, assez grotesques, il faut bien l’avouer !


En 1984, un rapport officiel sur la grande faune des Pyrénées et des Monts Cantabriques établit qu’ « après plusieurs années de recensement et d’étude de l’habitat que le maintien de l’espèce passe par la préservation intégrale des sites de reproduction, d’élevage des jeunes et de repos actuellement utilisés ».
Ce rapport élaboré par des spécialistes de la faune (universitaires et techniciens de l’ONC et de l’ONF), affirme encore que « de toute la grande faune, l’ours est incontestablement l’espèce dont la situation est la plus préoccupante » et que « malgré sa protection officielle, l’ours reste encore menacé par des actions directes de destruction. Mais c’est surtout la réduction et l’altération des dernières zones refuges, indispensables à l’hivernage et à la reproduction qui rendent sa vie précaire »
Dès les années 80 toutes  les mesures pour assurer la conservation de l’ours brun étaient connues, tant celles qui touchent à la chasse ou au pastoralisme qu’à l’exploitation forestière, mais leur application est restée insuffisante.

Le « plan Ours » s’appuie alors sur deux types de mesures : la constitution de groupes de concertation locaux rassemblant les élus, l’administration les scientifiques, les chasseurs, les associations de protection de la nature…au sein de ces groupes doivent être discutés tous les projets d’aménagement concernant les zones de présence de l’ours (projets de routes, de coupes forestières…) ; une seconde mesure consiste à individualiser des crédits spécifiques destinés à indemniser les communes qui verraient certains de leurs projets reportés…
En 1989, un rapport de la DRAE établit la situation, l’évolution et les perspectives pour l’ours brun des Pyrénées ; ce rapport rappelle le statut de l’ours, les mesures de protection prises, la mise en place de structures de concertation et propose d’autres mesures pour la restauration de la population ursine et la gestion du milieu, renforçant les mesures d’accompagnement – aides directes au pastoralisme notamment-, et soulignant fortement que l’ours constitue dans les Pyrénées une part importante de leur identité culturelle.
Son importance en a même fait le symbole de la protection de la nature en France. Sa préservation entraînera celle du milieu pyrénéen et de sa spécificité, tant naturelle que culturelle.
En 1997, le programme « Life » pour la conservation et la restauration des vertébrés menacés dans les Pyrénées est co-signé par la France et l’Espagne, financé à 75% par la Communauté européenne qui considère l’ours comme une espèce dont la sauvegarde est prioritaire. Ce vaste projet mis en œuvre dès 1993, concerne également le gypaète barbu et le bouquetin des Pyrénées.
La réintroduction de l’ours débute, sur le plan technique, en 1996 avec des ours venus de Slovénie. Trois animaux sont ainsi capturés en Slovénie et lâchés sur la commune de Melles (Haute-Garonne) au coeur des Pyrénées Centrales.
L’opération de réintroduction des ours slovènes Ziva et Melba regroupe alors autour des services de l’Etat de nombreux partenaires locaux dont l’association de développement économique et touristique (l’ADET), l’association Artus, les fédérations de chasseurs d’Ariège et de Haute-Garonne, l’ONC et l’ONF.
La Slovénie,  pays source, offrait, comme l’ont montré les études préalables, une population d’ours vivant dans des conditions naturelles très comparables à celles des Pyrénées Centrales et génétiquement proche de la source pyrénéenne.
19 mai 1996 : Ziva, ourse de 5 à 6 ans – 104 kg. Elle a donné naissance à 2 oursons en janvier 1997.
06 juin 1996 : Melba, ourse de 4 à 6 ans – 98 kg. Ella a donné naissance à 3 oursons en janvier 1997. Elle sera tuée « par accident » en septembre 1997.
02 mai 1997 : Pyros, mâle de 9 à 10 ans – 235 kg. est lâché lui aussi.
Equipés de colliers émetteurs, leurs déplacements sont alors quotidiennement suivis grâce à la technique du radio-pistage et la collecte d’indices. Durant leur première année de vie dans les Pyrénées, les ours ont visité de vastes territoires avant de sélectionner, dans un second temps, un domaine plus restreint.
A la fin de l’année 2005, une quinzaine d’ours sont dénombrés sur l’ensemble des Pyrénées. Le nombre de femelles étant insuffisant pour assurer la pérennité de l’espèce, un nouveau lâcher d’ours a lieu en 2006 avec quatre femelles et un mâle importé de Slovénie.
25 avril 2006 , lâcher de  Palouma  une femelle sur la commune de Burgalays en Haute Garonne
28 avril 2006, lâcher de  Francka  une femelle de 6 ans et 110 kg sur la commune de Bagnères de Bigorre en Hautes Pyrénées
Le Couserans est situé dans le noyau central de la population d’ours brun et classée en zone de présence régulière. Plusieurs femelles adultes ont été génotypées sur ce secteur et certaines n’ont pas mis bas en 2010, elles sont donc susceptibles de mettre bas en 2011 – Hvala lâchée en 2006 et Pollen née à Melles en 2007-.
L’équipe Technique Ours et Réseau Ours Brun a communiqué récemment cette information :
« Une ourse suitée a été observée et photographiée par un randonneur sur la commune de Saint-Lary (Ariège) le dimanche 9 octobre 2011.
Elle était accompagnée de 3 oursons de l’année et la qualité des photos permet de valider cette information sans ambiguïté.
Cette observation fait suite à une première détection à la fin du mois de juillet sur la commune de Sentein (Ariège).
Étant donné les zones géographiques où ont eu lieu ces observations et le nombre de femelles susceptibles d’être suitée sur le secteur, il est probable qu’il s’agisse de la même portée. »
Et un peu plus tard :
« Cette portée s’avère être une portée de 3 oursons »  (octobre 2011)
De temps à autre, en Ariège, pro et anti-ours s’affrontent et s’invectivent ; on sait ce qui s’en en est suivi jusqu’à aujourd’hui, mort de plusieurs ours par empoisonnement ou par tuerie et renoncement temporaire du gouvernement à un nouveau lâcher d’ours…
Récemment la projection du film L’ours, une histoire d’homme a fait à nouveau débat à la maison du Haut-Salat, dans la commune de Seix et malheureusement on ne peut que regretter encore une fois que ne s’établisse qu’un dialogue de sourds.

69dvdLes auteurs
Emmanuel MARTIN est doctorant en ethnologie à l’Université de Paris-Ouest La Défense. Il a fondé ses recherches sur les relations que l’homme entretien avec le monde animal. Ses travaux portent essentiellement sur les représentations de la nature et les animaux et sur certaines formes directes de relations comme les technologies et les techniques de prédation.
Frantz BREITENBACH, voyageur et accompagnateur en montagne naturaliste depuis 12 ans sur les Pyrénées, aborde le sujet de la présence du plantigrade sur les Pyrénées depuis des années. Il est membre du Réseau Ours Brun depuis 2001, réseau de suivi mis en place par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage sur l’ensemble du massif des Pyrénées. Il a effectué un voyage d’étude sur l’ours en 2007 qui l’a mené à rencontrer les équipes scientifiques impliquées en Italie, Grèce, Albanie, Bulgarie, Roumanie, Serbie, Croatie et Slovénie. Il a organisé et encadré des séjours d’observation et de conservation des ours en Slovénie, Italie et Grèce où il a participé à la capture de deux ours avec l’ONG Callisto. Il prône la conciliation des enjeux entre développement économique et préservation des patrimoines culturels et naturels.

Voir la bande annonce du film : http://www.youtube.com/watch?v=HFM5XBUInFk
Alors, quel avenir pour l’ours ?
titreLa cohabitation des ours et des éleveurs devient de plus en plus délicate souvent exacerbée par une poignée d’individus particulièrement excités.
L’avenir de l’ours dans le massif s’obscurcit car il représente une menace pour les élevages.
Nous reproduisons ici un article paru dans la Dépêche du 27 mars 2000, où Lucien Guerby, coprésident de l’ANA, naturaliste passionné,  s’exprimait en intitulant cet article « la nature en cage ». Il s’adressait alors au maire de la commune d’Orlu et, au-delà, à tous les lecteurs du journal en posant cette question :
« La nature n’est-elle belle qu’en cage ou uniquement derrière des grillages et dominée par l’homme ou a-t-elle encore le droit d’exister naturellement ? »
Concédant que l’un des éléments fondamentaux pour le devenir de la montagne était l’élevage, il soulignait toutefois que « ce n’est pas quelques brebis mangées par les ours (combien par les chiens errants ?) qui sont la cause de la disparition des éleveurs, l’exode rural ayant commencé bien avant la réintroduction des ours ! » et ajoutait :

« Messieurs les anti-ours, changez votre fusil d’épaule. Le dernier ours du Couserans a été tué à Seix dans les années 50 en même temps que disparaissait le dernier éleveur à Couflens. Eh oui ! Il y a des communes sans aucun agriculteur, ni ours d’ailleurs. Cette commune aurait été sans doute favorable à l’accueil des ours sur son territoire, elle avait aussi un projet de réserve naturelle mais elle n’a plus qu’une mine fermée et il n’y a plus d’école….une AFP a été constituée pour pouvoir installer un chevrier…Je comprends la réaction des éleveurs devant les cadavres de leurs brebis déchiquetées par des ours, malgré les compensations financières insuffisantes par rapport aux dommages et  perturbations causées. Mais ne vaudrait-il pas mieux se battre pour arracher à Bruxelles les moyens financiers de sa politique gouvernementale ?Oui aux ours mais avec des bergers, des chiens pour limiter au minimum le dérangement que cela cause au bétail -peur, avortement…– »

Mais rien n’y a fait et la polémique demeure connaissant de temps à autre quelques hoquets spectaculaires. Alors… ? Les jours de l’ours sont-ils comptés?
L’antagonisme séculaire  entre l’animal-dieu et l’homme, son ancien adorateur qui le sacrifie aujourd’hui, prendra-t-il fin un jour ? Nul ne peut aujourd’hui l’affirmer.
Mais, ce qui est certain en revanche, est que l’ours fait bel et bien partie de notre patrimoine naturel et culturel, que l’ours continue de tenir une part importante dans la mythologie pyrénéenne et que l’ours est, qu’on le veuille ou non,  notre patrimoine à tous.
L’ours et ses représentations : littérature, peinture, sculpture

Dès le plus jeune âge, l’ours accompagne l’enfant dans son univers. Quel enfant n’a pas possédé son ours ? Quel enfant n’a pas partagé avec lui ses secrets ?
L’ours en peluche, né au début du siècle inspire la tendresse et il est devenu, au même titre que les poupées et les poupons, le fidèle compagnon des enfants.


Bien plus qu’un jouet, l’ours en peluche est un véritable objet de médiation. Bientôt, au-delà de l’objet, les « histoires » d’ours vont captiver, fasciner les enfants.
Quel enfant en Europe n’a pas lu ou écouté une « histoire » d’ours ?

Boucle dor

Boucle dor

 

 

 

 

 

 

 

 

De Boucle d’or à Jean de l’Ours, de Buzzati – avec sa Fameuse invasion de la Sicile par les ours -, à John Curwood avec Le Grizzly en passant par Benjamin Rabier, La Fontaine ou encore Jack London, quel enfant ne s’est pas émerveillé, ne s’est pas attendri ou, tout au contraire, n’a pas frémi ou tremblé en lisant de tels livres ?
Boucle d’or et les trois ours, est célèbre dans toute l’Europe. Boucle d’or et les Trois Ours est un conte de Grimm évoquant la rencontre entre trois ours anthropomorphes et une petite fille, Boucle d’or.
Un autre conte de Grimm, Blanche-Neige et Rose-Rouge, met en scène deux filles qui rencontrent un ours effrayant capable de parler et l’invitent ponctuellement dans leur logis. Il s’agit d’un prince maudit par un nain qui l’a condamné à errer dans les bois sous forme d’ours jusqu’à être libéré de son sort.
En Hongrie, en 1959, émission d’un timbre poste en 1959 pour fêter ce conte célébrissime

Timbre hongrois

Timbre hongrois

Le mythe de l’ours a inspiré de nombreux écrivains… avant que le cinéma ne s’en empare à son tour.

L'ours. JJ Annaud

L’ours. JJ Annaud

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’imagerie des fables  tend à associer l’ours à l’homme en jouant sur l’anthropomorphisme


Les Fables de La Fontaine, XVIIe s. L’Ours et les deux compagnons . L’Ours et l’amateur de jardins

Un grand classique de la littérature enfantine dans les années 50 : John Curwood, Le Grizzly, (The Grizzly King)

Le grizzly

Le grizzly

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ours accompagne l’homme dans un univers totalement onirique.
L’immense succès que va rencontrer le film de Jean Jacques Annaud auprès du public à sa sortie en octobre 1988 en est une preuve incontestable.
L’histoire est simple : c’est celle de Youk, un ourson dont la mère se tue accidentellement et qui se fait adopter par un mâle solitaire. Tous deux se retrouvent en butte à des chasseurs qui poursuivent d’une haine implacable le grand ours suite à une histoire de chevaux massacrés. L’identification est telle entre les motivations de l’animal et celles de l’homme que le film est ovationné par le public ; La façon qu’à l’ours de se tenir debout, de se servir de ses pattes avant, un peu comme des mains, nous renvoie une image quasi humaine du plantigrade et n’y est sans doute pas étrangère.
Il est d’ailleurs intéressant de voir comment,dans une interview donnée à la revue Sciences et Avenir en 1988, J.J.Annaud parle de ce tournage :
«… L’ourson est un animal ravissant, petite boule de poils toute rondouillarde qui fait de suite penser à un gros bébé farceur. Les puéricultrices que j’avais engagées appelaient d’ailleurs toutes leur ourson « mon bébé » et certaines voulaient même le garder après le tournage ! Bref, je pensais que le phénomène d’identification s’opérerait beaucoup plus spontanément avec un personnage comme celui-là. Cela a fonctionné au-delà de mes espérances. L’identification est toujours immédiate. Ce qui est étonnant après des siècles de civilisation chrétienne où l’église a posé des barrières infranchissables entre l’homme et l’animal …»
L’imagerie populaire ne s’y est  pas trompée qui représente souvent  des ours  au comportement humain, on peut alors parler d’anthropomorphisme.


La réputation de l’ours amateur de jeunes femmes se retrouve de tous temps dans de multiples contes populaires, étonnants par leurs points communs, notamment la métamorphose et l’anthropomorphisme de l’ours : celui-ci devient capable de parler, et parfois, d’adopter un mode de vie humain

Danse avec l'ours

Danse avec l’ours

Les légendes qui entourent les constellations (preuve s’il en est que l’ours fait rêver !) de la petite et de la grande Ourse sont empruntées au panthéon grec, nouvelle façon qu’à l’ours d’entraîner l’homme encore et toujours dans un univers onirique.

Constellation de la Grande Oursers

Constellation de la Grande Ourse

La thèmatique de l’ours est auusi présente dans les arts plastiques
Des peintres et des sculpteurs de renom le prennent pour objet d’étude.
Le tableau le plus célèbre demeure sans nul doute celui d’Ivan Chichkine. Cette huile sur toile intitulée Un matin dans une forêt de pins se trouve à la galerie Tetriakov de Moscou. Il a été peint en 1886 et reproduit à des milliers d’exemplaires sur les boîtes laquées de Russie. Tous les enfants de l’Europe de l’est le connaissent !

Huile sur toile.Léningrad

Huile sur toile. Léningrad

Un matin dans une forêt de pins par le peintre russe Ivan Chichkine Ivanovich, 1886, huile sur toile 139 × 213 cm, Galerie Tretiakov, Leningrad.
Quant aux sculptures d’ours les plus célèbres elles sont à n’en pas douter dues au sculpteur Pompon, qui tailla le marbre pour Auguste Rodin et Camille Claudel mais qui abandonna, à partir de 1905, la figure humaine au profit des animaux observés au jardin des Plantes et en particulier au profit de l’ours.

ours de Pompon

Ours de Pompon, XXe siècle

« J’aime la sculpture sans trou ni ombre » disait Pompon, privilégiant les pierres claires, sans obstacle à la coulée du jour sur les volumes.
A Bagnères de Luchon, l’ours de Guyot ne démérite pas et continue de briller au soleil dans le petit parc central et qui franchit la frontière espagnole, via la route de Quillan, pourra aussi croiser, ici et là, d’autres sculptures d’ours.

Luchon. L'ours de Guyot

Luchon. L’ours de Guyot

Dès le Moyen-âge- ici, au XIIe siècle -,  les manuscrits nous offrent de très belles miniatures peintes conservées à la BNF.
On voit ci l’ours porte les bagages de Saint Amand dans une miniature de la Vie de saint Amand, vers 1160.
Vincent de Beauvais & peint ici les allégories des sept péchés capitaux en 1463. L’ours, – en bas et à droite-, est le symbole de gloutonnerie, il est chevauché par un clerc.


Le Livre de chasse fut rédigé, ou plus exactement dicté à un copiste, de 1387 à 1389 par Gaston Phoebus, comte de Foix. Cet homme à la personnalité complexe et à la vie mouvementée, que l’historien Jean Froissart évoque dans ses célèbres Chroniques était, comme tous les seigneurs du Moyen Âge, un grand chasseur et un grand amateur d’ouvrages de vénerie et de fauconnerie. Dans ce livre conservé à la Bibliothèque nationale de France, à Paris, se trouvent ces superbes miniatures d’ours.
« De l’ours et de toute sa nature » par Gaston Phoebus dans le Livre de chasse, au début du XIVe siècle. À gauche, deux ours s’accouplent « à la manière des hommes ».
Voici en peinture, pour quelques exemples anciens.. Plus proches de nous tous savent ici que René Gaston-Lagorre peignit lui aussi bon nombre d’ours, soulignant ainsi l’histoire des vallées ariégeoises de montreurs d’ours au début du siècle.

Il en fit même l’emblème de l’insigne destiné aux anciens combattants

Seix. Autocollant des Anciens combattants

Seix. Autocollant des Anciens combattants

En guise de conclusion
Malgré tout ce qui vient d’être dit et montré  si certains se demandent encore : mais , au fait, ça sert à quoi l’ours ? il est possible de leur répondre. L’ours ne sert à rien, enfin…pas tout à fait ! Toutefois,  si l’on ne se pose la question que du seul point de vue de l’utilité, on peut sans doute affirmer que l’ours, notre plus grand mammifère terrestre, ne sert à rien. Qu’il est au moins aussi inutile que sa consoeur la baleine au sein de l’Océan, sachant que le plus grand mammifère marin est lui aussi, en voie d’extinction sur notre planète…
Devons-nous pour autant nous résigner à la disparition de ces deux grands mammifères ? Mettrons-nous l’ours en cage et la baleine dans un bassin ?
Force est de constater que tout n’est pas que sourire ou conte de fées au royaume des ours et en particulier, chez nous, en Ariège !
Comme au temps des inventaires de 1906, la presse locale s’engage et se fait le relais des débats qui animent régulièrement la vie politique locale, départementale et nationale. Elle devient l’instrument de cette controverse passionnée, provoquée cette fois par une autre loi, celle qui a promulgué en France la protection de l’ours. La controverse entraîne dans son sillage l’opinion publique toute entière qui n’en finit plus de hoqueter.
Tandis que certains s’interrogent encore sur la logique économique et sociale qui motive la réintroduction des ours dans une zone montagneuse à vocation agro-pastorale et touristique , d’autres continuent de défendre avec fermeté, au nom de la biodiversité et de la protection de l’espèce, l’ours des Pyrénées et sa réintroduction, pensant plus que jamais que l’authenticité des Pyrénées passe par la présence durable et renforcée de l’ours brun, quelque soit sa nationalité, car il est le symbole d’une nature riche et variée où l’homme tient la première place.
La question de la réintroduction de l’ours continue donc de diviser, mais l’ours au-delà de cette polémique, continue lui, heureusement de nous faire rêver quand la nuit nous levons les yeux au ciel et que, le jour venu, nous arpentons tout comme lui, les flancs de la montagne !
Depuis des millénaires maintenant l’ours est l’objet d’un discours ininterrompu, c’est ce discours même qui  prolonge encore un peu plus le mythe originel dont l’ours est porteur. Difficile de le nier.

 Chemin de l'Ours

Chemin de l’Ours

Quelques repères bibliographiques

Beguouën Jacques, L’Ours Martin d’Ariège Pyrénées, impr. Maury, St Girons, années60 ?, épuisé.

« Les montreurs d’ours de l’Ariège », Bulletin spécial de La Mémoire du Garbet, novembre 2011
En plus des tableaux de noms et sobriquets des différents montreurs d’ours, deux articles de Françoise Lewis, « Des montreurs d’ours d’Ercé en Australie et Nouvelle-Zélande », « Le 5 mai 1890, des montreurs d’ours d’Ercé jouent pour la reine Victoria, d’Angleterre » et deux de Louise Pagé, « Jean Broué et la petite Ariège du Québec » et « Alfred Rogalle Péou, un montreur d’ours ariégeois au sein d’une famille québécoise d’antan ».

Coppin Giorgio, L’Ours, art, histoire, symbolisme, Laffont, 1989.

Collectif, L’ours des Pyrénées, les quatre vérités, Privat.

Etienne Pascal, Lauzet Jean, L’ours brun, Biologie et histoire des Pyrénées à l’Oural, Publications scientifiques du Museum

La ronde des ours

La ronde des ours

Fléchet Jean, Le montreur d’ours, Atelier du Gué

Huet Philippe, Munier Vincent, L’ours, Flammarion.

De Wetter Bernard, L’ours grandeur nature

Gastou François Régis, Montreurs d’ours des Pyrénées et d’ailleurs, Loubatières.

Camarra Jean Jacques, L’ours brun , Hatier, 1989

L’ours dans la littérature

Buzzati Dino, La fameuse invasion des ours en Sicile, Stock, 1968

Espinassous Louis, Contes de la montagne, contes légendes, mythes et récits des Pyrénées, Editions Cairn. 180 pages.
A la fois un livre de contes à lire et à raconter, et l’expression du patrimoine culturel oral des Pyrénées; plus particulièrement des montagnes béarnaises et bigourdanes. Ce livre rassemble le patrimoine de mythes, de légendes, de contes de récits populaires collecté oralement dans les vallées aux lèvres des conteuses et conteurs du XXe siècle (années 80) par Louis Espinassous.

La Fontaine, L’Ours et les deux compagnons, Fables, V, 20.

La Fontaine, L’Ours et l’amateur de jardins, Fables, VIII, 10.

La Fontaine, Les deux paysans du Danube, Fables, XI, 7.

London Jack, L’Amour de la vie, Gallimard, Folio junior

Ovide, Histoire de Callisto et de son fils Arcas, Les Métamorphoses, II, Garnier Flammarion, pp.76-79.

La littérature jeunesse sur le thème de l’ours est extrêmement abondante, nous ne citons ici que quelques ouvrages repères…

Boucle d’or : déclinaison de ce conte dont le succès ne s’est jamais démenti chez plusieurs éditeurs dont la célèbre version du Père Castor chez Flammarion.

Jean de l’Ours : innombrables versions de ce conte chez plusieurs éditeurs dont la version de
Espinassous Louis, Joan de l’Ors, Milan, Zanzibar.

Le montreur d'ours, Jean Fléchet

Le montreur d’ours, Jean Fléchet

Bournaud Michel, Contes et légendes de l’ours, Hesse éd., 1996

Browne Anthony, Ourson et les chasseurs, Ecole des loisirs, 2003

Curwood J.O., Le Grizzly, Hachette, Idéal Bibliothèque, 1952

Dubois Claude, Pestoune des Pyrénées, Ecole des loisirs

Pineau Christian, L’ourse aux pattons verts, Ideal Bibliothèque

Rabier Benjamin, Les contes de l’ours brun

Robillard Jean-Marie, L’étoile de Grand Pa

Les Ours, Kididoc, Nathan

L’ours, un géant pas si tranquille, Gallimard, découverte Benjamin, 1985
En 1996, la classe de 5e2 du collège du Couserans après que le premier ours ait été lâché à Melles a réalisé un ouvrage : mélange de contes et d’histoires vraies contées par des personnes âgées de la vallée de Castillon et de celle d’Ercé. Cet ouvrage se veut une trace de la mémoire de l’Ours Martin, ours légendaire des Pyrénées.

Ursus arctos

Ursus arctos

Pour plus de renseignements voir également:
www.ours.ecologie.gouv.fr
DIREN Midi Pyrénées, Programme de restauration et de conservation de l’ours brun dans les Pyrénées, rapport final Life Nature, Toulouse, 2000
http://www.paysdelours.com/fr/
Informations de Pays de l’Ours – Adet. Pour plus de détails, un petit tour sur leur site  -rubrique « les Infos » -s’impose : http://www.paysdelours.com/fr/exceptionnel-les-photos-de-l-ourse-accompagnee-de-trois-oursons-dans-les-pyrenees.html?cmp

Ours. dessin de René Gaston-Lagorre

Ours. dessin de René Gaston-Lagorre