Il doit son nom à la fusion des mots grecs gups « vautour » et aetos « aigle ».
Des vingt deux espèces de rapaces diurnes vivant en France, le gypaète barbu est l’espèce la plus grande. Cet oiseau dont l’envergure peut atteindre près de trois mètres pour une longueur du bec à la queue de 100 à 150 centimètres, a un poids de cinq à sept kilogrammes.
En vol on le reconnaît à sa queue en forme de losange et à ses ailes fines et pointues. Il longe souvent les falaises et on peut bien souvent apercevoir son ombre avant que de le distinguer. Pour descendre il utilise le vol brassé.
Un drôle d’oiseau, haut en couleur !
Les juvéniles et les immatures sont brun foncé avec un léger contraste entre le corps et les ailes qui s’accentue avec l’âge. Le plumage évolue progressivement et c’est entre 5 et 6 ans que le gypaète obtiendra son plumage d’adulte.
Chez l’adulte, le contraste de son plumage de couleur gris ardoisé aux ailes et blanc à orangé pour la tête et le ventre permet de ne pas le confondre avec les autres vautours.
Son œil cerclé de rouge vif est souligné par une ligne noire continuée jusqu’au bec.
Son cou, ses pattes et ses doigts sont emplumés. Les vibrisses qui sont les plumes noires sous le menton, forment une touffe qui évoque une barbe d’où le nom de gypaète barbu. Cette barbe est visible même chez les immatures.
Le plumage du ventre et de la tête de l’adulte est blanc à l’origine et la coloration orangée est acquise par des bains dans des sources d’eau ou de boues ferrugineuses qui vont charger peu à peu le plumage en oxyde de fer et donner cette coloration caractéristique. En Corse les adultes ne sont pas – ou sont peu – colorés, probablement parce que ces sources sont rares dans les massifs non calcaires.
Les deux sexes sont similaires. Le gypaète barbu est sédentaire.
Habitat
Il vit et niche le plus souvent dans des zones montagneuses. Mais le gypaète ne vit pas seulement dans des massifs montagneux reculés, bien que ces massifs soient devenus les derniers bastions où il s’est maintenu.
Les seules constantes de son habitat sont un relief abrupt présentant des milieux ouverts avec des ongulés sauvages ou domestiques de taille moyenne, des zones rupestres pouvant abriter un vaste nid et des pierriers sur lesquels il pourra casser des os. L’altitude importe peu. L’espèce nichait dans la dépression de la Mer Morte , en dessous du niveau de la mer, mais il niche aussi sur les contreforts de l’Everest !
En Ariège, on peut observer l’espèce en haute montagne où les troupeaux d’ongulés sauvages comme les isards sont présents toute l’année.
En hiver, les ongulés sauvages morts dans les avalanches ou suite à des accidents constituent l’essentiel de la nourriture que trouveront les gypaètes de haute montagne. Cette nourriture leur permettra aussi d’élever leurs petits.
On peut aussi observer l’espèce en moyenne montagne. Les densités d’ongulés sauvages non forestiers dans ce type de biotope sont généralement faibles et la présence du gypaète est liée au maintien du pastoralisme.
Le gypaète affectionne particulièrement les grands massifs calcaires qui offrent de cavités et des grottes où il peut construire son nid. Les aires des Pyrénées françaises sont installées dans des falaises entre 640 et 2540m d’altitude. Il existe des aires plus basses (Crète à 300 m d’altitude) et d’autres plus hautes (Himalaya).
Chaque couple possède plusieurs aires qu’il utilise de façon rotative, situées dans un rayon généralement inférieur à 2000 m les unes des autres.
Reproduction
Le gypaète fait partie des espèces dont les individus peuvent vivre plus de 30 ans mais qui se reproduisent peu et tardivement. La stratégie du gypaète repose donc sur la longévité et l’expérience des adultes.
Les couples sédentaires se fixent sur un territoire toute l’année.
En général, les oiseaux ne se reproduisent pas avant l’âge de 7 ans. En revanche, la formation du couple peut débuter bien avant. Les couples sont généralement longs à se former et plusieurs années peuvent se passer avant qu’un jeune soit élevé avec succès.
C’est à l’automne que vous pourrez observer les parades nuptiales qui se caractérisent par des jeux aériens de type vol synchrone, offrande, courbette… C’est à cette époque également que le site est choisi et que le nid est construit dans une cavité ou grotte, toujours dans une falaise. Vous pourrez à cette époque observer des transports de branche ou de laine, que ce soit dans le bec ou les serres. Les accouplements interviennent environ deux mois avant la ponte, c’est-à-dire habituellement en novembre et la ponte d’un ou deux œufs, déposés à quelques jours d’intervalles, intervient entre le 20 décembre et la fin du mois de février dans les massifs français (dates plus précoces en Crète et en Catalogne espagnole).
Oeuf de gypaète conservé au Museum d’histoire naturelle de Toulouse
L’incubation dure environ une cinquantaine de jours. Si deux poussins naissent, la compétition entre les deux conduit le plus jeune à être éliminé par le plus âgé (phénomène de caïnisme).
Le jeune s’envole à 120 jours en moyenne, entre le 10 juin et fin août, généralement entre fin juin et fin juillet.
Le couple nourrit les jeunes jusqu’à leur envol qui a lieu au bout de trois mois.
Régime alimentaire
Les gypaètes sédentaires occupent de vastes territoires qu’ils prospectent à basse altitude à la recherche de nourriture.
Comme son cousin l’aigle royal jusqu’au XIXe siècle, le gypaète barbu a été victime des préjugés, ainsi passait-il pour s’attaquer aux animaux de troupeau et même aux enfants !
Contrairement à ces légendes, le gypaète montre un comportement exclusivement nécrophage. Comme les autres vautours, il exploite des cadavres d’animaux morts de manière naturelle ou accidentelle, en particulier ceux des ongulés sauvages et domestiques. Dans les secteurs ou d’autres espèces de nécrophages sont présentes, il est le dernier maillon de la chaîne alimentaire, se contentant des os, des pattes, des ligaments et de quelques restes carnés restés accrochés aux carcasses et délaissés par les autres.
En fait c’est un animal inoffensif et craintif, dont la nourriture se compose essentiellement de charognes et sans doute de petits vertébrés vivants. Le régime alimentaire du gypaète est composé à 80 % d’os. Il est remarquablement adapté à la consommation de ces derniers, à la fois par son comportement et par son système digestif.
Lorsque les os sont encore reliés les uns aux autres ou trop gros pour être avalés, le gypaète s’envole avec et laisse tomber l’ensemble de quelques mètres à plusieurs dizaines de mètres de hauteur sur un éboulis rocheux.
C’est parce qu’il affectionne particulièrement la moelle des os qu’il parvient à déguster en laissant tomber les os d’une grande hauteur sur les rochers où ils se brisent que les espagnols le nomment le Quebrantahuesos , le casseur d’os.
Ainsi brisés, les os peuvent alors être ingérés. Cette technique nécessite un apprentissage, les jeunes mettant souvent plusieurs semaines à trouver un lieu adapté au-dessus duquel ils lâchent les os.
Ce comportement est inné, les jeunes apprennent à casser les os dans les premières semaines suivant leur envol.
Par ailleurs, le gypaète a la capacité d’ingérer des os très longs (jusqu’à 40 cm de long) voire plusieurs extrémités de pattes d’ongulés entières (brebis, isard, ….). Il évacue les poils et les onglons qu’il ne peut digérer sous la forme de pelotes de réjections.
Le gypaète est cependant capable de jeûner durant plusieurs jours
Dans les Pyrénées, l’isard et le cheptel ovin constituent l’essentiel des ressources, une ressource abondante bien que non homogène, enrichie localement par la présence de marmottes et de cerfs en altitude. L’extinction du bouquetin des Pyrénées au cours du 20e s. a probablement affecté l’espèce sur le versant français.
La raréfaction des ongulés en montagne entraîne une fermeture du milieu qui défavorise la recherche d’une nourriture de plus en plus rare.
Une espèce menacée
Comme tous les grands rapaces, le gypaète barbu est une espèce rare, aussi est-elle protégée parce que menacée.
En Europe de l’Ouest, son aire de distribution s’est morcelée .
Le gypaète barbu a été réintroduit dans les Alpes à partir de 1986 puis dans les Pyrénées , et en 2006 en Andalousie (Espagne).
En 2010 en France, il y a 35 couples territoriaux dans les Pyrénées, 9 en Corse et 8 dans les Alpes. Soit une population totale de 52 couples.
Principalement deux facteurs de destructions directes affectent le gypaète barbu, celui qui touche tous les rapaces nécrophages, c’est-à-dire le poison et celui concernant cette fois l’ensemble des grands rapaces, les lignes électriques.
Le tir qui fut la principale cause de disparition de l’espèce, ne semble plus être une menace.
Les collisions contre les lignes électriques et les câbles de remontées mécaniques affectent indifféremment les gypaètes barbus adultes et les jeunes.
Le poison et les intoxications semblent être des facteurs propres aux Pyrénées, mais ceci s’explique en partie par le fait que cette menace n’est pas surveillée de près dans les autres massifs.
D’autres perturbations existent. Les gypaètes barbus peuvent se montrer très sensibles aux dérangements visuels et sonores, même à des distances importantes des nids. Le succès reproducteur des gypaètes barbus pyrénéens est corrélé à la fréquence des activités humaines pratiquées à proximité de leur territoire toute l’année (ARROYO et RAZIN, 2006).
Les survols aériens sont considérés comme une menace très importante. La chasse est potentiellement très perturbante puisqu’elle se déroule pendant l’installation du couple et la ponte. Sont autant de menaces s’ils sont proches du site de nidification, les travaux mécaniques bruyants, les skieurs hors piste, les escaladeurs, le vol libre et le parapente ainsi que l’écobuage surtout présent dans les Pyrénées.
Les aménagements et l’extension des activités humaines ont profondément modifié le milieu naturel et bouleversé l’équilibre des écosystèmes montagnards. Ceci a un impact sur l’ensemble du monde du vivant, des producteurs primaires jusqu’au gypaète barbu, situé au sommet de la chaîne alimentaire et dont la présence implique celle de vastes étendues de reliefs, de pâturages et de nature préservée.
Dans les Pyrénées, ce sont les Pyrénées-Atlantiques qui ont le plus souffert de changements, notamment dans la montagne basque ou de nouvelles pistes et des microcentrales électriques viennent stériliser les sites de reproduction historiques à un rythme régulier depuis 25 ans.
La majorité des couples pyrénéens bénéficient de populations d’ongulés sauvages.
Quelques conseils et un guide d’identification pour mieux connaître le gypaète barbu…
Pour ne rien rater et pour déranger le moins possible ce grand rapace :
• Restez calme et ne faites pas subitement de grands gestes (pour appeler vos amis, sortir l’appareil photo ou vos jumelles…).
• Arrêtez vous et prenez le temps de l’observer, s’il passe derrière un sommet ou une crête, il peut revenir très rapidement.
• Dans le cas où vous êtes au sol et lui en vol, pas de soucis de dérangement, c’est le gypaète qui reste maitre de s‘approcher ou non de vous.
• Si le gypaète est posé en train de manger sur une carcasse ou de se lisser les plumes, soyez le plus immobile possible car si vous êtes assez proche, le moindre mouvement va le faire envoler.
• Si vous êtes en vol (parapente, planeur, ULM…), n’essayez pas de l’approcher ou de le suivre car il peut facilement vous prendre comme un rival.
• Ecartez vous des falaises car son nid est peut être très proche.
La réglementation interdit la perturbation intentionnelle des Gypaètes, notamment pendant la période de reproduction et de dépendance.
Pour les randonneurs, amateurs d’observation de ces grands rapaces que sont les gypaètes barbus, un guide d’identification est téléchargeable à cette adresse :
http://www.gypaete-barbu.com/upload/wysiwyg/doc%20classes%20ages%20fcais.pdf
Rappelons pour conclure qu’en 2011 s’est déroulée à Seix l’estivale du casseur d’os. Cela a donné lieu à des observations in situ de grands rapaces dans le Massif du Valier, avec pour les observateurs, une nuit passée au refuge ONF d’Aréau.
C’est sur le versant de Berbegué que le groupe a pu observer un aigle royal et, pendant la montée à la cabane de Berbegué, un faucon crécerelle en vol stationnaire. Mais la magie de la journée a voulu également qu’un gypaète adulte, aisément identifiable, surgisse non loin de là ! Le festival a continué puisqu’ arrivés au Portaneich d’Aurénère , col frontalier, le groupe a pu également observer un circaète Jean le Blanc, un milan royal et quelques vautours fauves en vol ascensionnel…
Cette randonnée se déroulait dans le cadre de l’Estivale du casseur d’os, évènementiel co organisé par la LPO Pyrénées et le PNR des Pyrénées Ariégeoises avec l’ANA-CPIE de l’Ariège, l’Office de tourisme du Haut-Couserans et la communauté de communes du Canton d’Oust.
Une exposition centrée sur le gypaète qui a connu un beau succès se tenait également au château de Seix.
La poste du monde entier rend un hommage philatélique au gypaète barbu !
D’autres formes d’hommages…
et un souhait majeur !