Des espèces d’une grande variété
Apparues il y a environ 50 millions d’années, elles forment l’ordre des chiroptères. Après celui des rongeurs, c’est le 2e groupe le plus important dans l’ordre des mammifères.
On en compte plus de 1200 espèces de par le monde mais leurs différences morphologiques peuvent être impressionnantes : la plus grande présente une envergure de 1 mètre 50, la plus petite mesure seulement…15 centimètres !
En France, la Pipistrelle qui, dans le Poitou où elle abonde, se cache souvent derrière les volets de bois, est la plus petite des chauves-souris, elle pèse tout juste 6 grammes (le poids d’un morceau de sucre !) et la plus grande appelée Grand Noctule pèse elle de 30 à 50 grammes.
Noctule, pipistrelle, rhinolophe, roussette, vampire, vespertillon, oreillards… autant d’espèces de chauves-souris…
Trente quatre espèces de chauves-souris sont recensées en France. Toutes sont protégées.
Une représentation mythique liée à un contexte de légendes qui a, hélas, valu aux chauves souris de souffrir des pires préjugés !
Elles sont considérées comme impures par la religion chrétienne (Lévitique11,19)(Deutéronome 14,18), ainsi Esaïe pronostique que « Le jour du Jugement, les idoles seront jetées aux chauves-souris et aux taupes » (Es.2,20).
Longtemps persécutées en Occident à cause de prétendus maléfices auxquelles elles seraient liées pour appartenir au monde souterrain et au monde de la nuit et donc soupçonnées, à ce titre dit-on, d’être porteuses de mort, les chauves-souris se retrouveront clouées avec barbarie aux portes des granges, comme cet autre animal nocturne, si beau et de si grande utilité, qu’est la chouette effraie… (rappelons à ce propos que l’étymologie même du nom de la chauve-souris, *cawa sorix, la désigne comme une « souris-chouette »)
Ainsi la chauve-souris se retrouve-t-elle associée, dès le Moyen-âge, à l’idée de mort et de malheur ; elle est la compagne obligée des sorcières qu’elle accompagne lors du sabbat …
Sur cette carte, une trace amusée des préjugés d’antan qui associent chauve-souris et chat noir aux sorcières et aux maléfices …
.... et sur cette autre carte, une caricature historique de Guillaume II, crucifié à la manière des chauves-souris qui, autrefois, se voyaient clouées par les paysans sur les portes des granges, eux qui espéraient ainsi conjurer le mauvais sort.
Sans doute aussi est-ce parce que quelques espèces subtropicales de la famille des Desmodontinae dites Vampires – que l’on trouve par exemple en Amérique du Sud-, sucent le sang du bétail et, dans de très rares cas avérés, le sang humain, que vont naître des légendes dont fait partie celle du terrifiant comte Dracula et du non moins impressionnant Nosferatu …
La chauve-souris noire se détache ici sur fond ensanglanté
Du roman Dracula de Bram Stoker paru en 1897 en passant, au cinéma, par les Nosferatu de Murnau (1922) ou d’Herzog (1979) …
Au fin fond des forêts de la Transylvanie (Roumanie), le château du comte Dracula…
Si avec Nosferatu et Dracula, vampires rendus immortels pour se repaître du sang des vivants les transformant à leur tour en vampires, le cinéma diffuse une image horrifique de la chauve-souris, tendant ainsi à renforcer un peu plus encore les préjugés qui l’entourent, le Bal des vampires de Roman Polanski prend en revanche le mythe à contrepied, en le tournant, avec beaucoup d’intelligence et d’esprit de finesse, en dérision …
En revanche, toujours au cinéma, le personnage de Batman, super héros né en 1940 mais toujours bien vivant va, lui, quasiment inverser la donne ! Batman, directement créé, lui aussi, sur le modèle de la chauve-souris, devient célèbre non plus pour ses effrayantes morsures mais bien plutôt pour son art de la voltige !
Son lieu de prédilection, la batcave, est montrée pour la première fois, dans le serial Batman sorti en 1943 : c’est une base secrète aménagée dans un entrelacs de souterrains situés sous un manoir… Alors qu’il est encore enfant Bruce est tombé dans cette grotte avant d’être sauvé par son père. Devenu adulte, lorsqu’il décide de devenir Batman, Bruce agrandira ce souterrain et il y conservera tous les outils et véhicules qu’il utlisera dans sa lutte contre le crime…
Batman confère ainsi à l’animal originel qui lui sert de modèle plastique – n’oublions pas que pour créer son personnage Bob Kane s’est inspiré des études sur la chauve-souris faites par Léonard de Vinci-, une dimension nettement plus positive puisque le super héros Batman demeure avant tout, aux yeux des enfants, le plus célèbre de tous les justiciers…
Habitat et activité nocturne
Durant l’été les chauves-souris vivent dans des grottes, des mines ou dans les fissures des falaises mais, elles peuvent également vivre dans les creux des arbres ou, dans des bâtiments tels que les clochers ou les granges dont elles sortent pour chasser, à la tombée de la nuit.
Toutes celles et ceux qui nous ont accompagné lors de la visite des granges foraines à Sentenac d’Oust se souviennent de cette colonie de chauves-souris que nous avons eu la surprise de découvrir, pendue aux poutres d’une grange, dans le noir, bien au chaud et à l’abri des regards… C’est que l’habitat traditionnel pyrénéen, avec la maison et ses combles, l’étable, la cave, la grange, se révèle idéal pour les Grand et Petit Rinolophes et les différents Oreillards. Les chauves-souris dorment en général 20 heures par jour, la tête en bas.
Leur territoire de chasse est varié selon les espèces : ce peut être un plan d’eau pour le Murin de Daubenton, les cols d’altitude pour le Molosse de Cestoni – que l’on trouve par exemple au sommet du Vignemale où il chasse les papillons-, ou encore les champs et les pâturages pour le Grand Rhinolophe. Les arbres, les granges, les étables conviennent aux Oreillards.
La diversité des forêts pyrénéennes offre de grands terrains de chasse pour toutes les espèces en particulier pour la Barbastelle.
Chaque chauve-souris a développé sa propre technique de chasse : le Grand Murin attrape les coléoptères en marchant au sol ; le Grand Rhinolphe chasse à l’affût, perché sur une branche basse, au-dessus des près. Les Oreillards glanent leur proie sur le feuillage tandis que le Grand Noctule capture les passereaux en vol piqué. Plus original encore, le Murin de Daubenton pêche à l’épuisette au-dessus de l’eau grâce à son uropatagium, membrane qui se développe entre ses pattes et sa queue !
Durant la nuit, quand elles chassent, certaines chauves-souris peuvent parcourir en montagne jusqu’à quinze kilomètres et monter à plus de 2000 m d’altitude en partant de sa colonie, du fond de la vallée.
Une particularité : l’écholocation, principe similaire à celui du sonar
Contrairement à une idée reçue, les chauves-souris ne sont pas aveugles mais leur principal mode de déplacement nocturne se fait grâce à l’émission d’ultrasons émis par la bouche ou le nez, sur des fréquences allant de 8 à 110 khz., qui échappent donc à l’oreille de l’homme.
Des scientifiques ont observés que certaines chauves-souris gazouillent aussi parfois, à la manière d’oiseaux, émettant des chants composés « de trilles multi syllabiques et de gazouillis dans des combinaisons et des rythmes spécifiques […] aussi complexes que les chants d’oiseaux chanteurs« .
Le noctule. Timbre Bulgare
Chaque espèce utilise une fréquence qu’elle module selon les conditions : chasse, déplacement rapide, déplacement plus lent, échange entre individus…
Cela leur permet de repérer une proie en vol, une proie posée dans le feuillage, une proie se déplaçant au sol ou un obstacle même s’il n’est que de l’épaisseur…d’un cheveu ! L’écholocation n’est utilisée que lors de la chasse ou de déplacements en terrain inconnu (économie d’énergie).
En hiver, dès que la température avoisine 0 degré, les chauves-souris entrent en hibernation. Selon les espèces, l’hibernation débute en octobre –novembre pour aller jusqu’en mars-avril.
Un vespertilion, petite chauve-souris à oreilles pointues, à museau conique, à ailes courtes et larges, commune chez nous…
Les chauves-souris choisissent des gîtes du type grottes, caves, étables, granges proposant une température stable et une absence de courants d’air. Leur rythme cardiaque baisse ainsi que la température de leur corps ; la chauve-souris vit sur sa réserve de graisse acquise à l’automne. Pour limiter la perte de température les chauves-souris se regroupent en essaim sur les plafonds et parfois, comme les Rhinolophes, s’entourent de leurs ailes.
Il est essentiel de ne pas les réveiller durant cette période
Une reproduction peu ordinaire
L’accouplement a lieu en automne, la fécondation au printemps, après l’hibernation.
La période de gestation dure de 40 à 70 jours selon les espèces.
Entre fin mai et début juillet, la femelle donne naissance à un jeune qu’elle allaite un mois durant. Le site de naissance, qu’il s’agisse d’un bâtiment, d’un arbre creux, d’une fissure dans une falaise, doit être très chaud, tranquille et proche des terrains de chasse.
Après la naissance, les jeunes chauves-souriceaux, nus et aveugles, restent accrochés à leur mère et la femelle transporte son petit, nu et aveugle, même quand elle va chasser.
Au bout de deux trois semaines, les jeunes restent ensemble dans des nurseries gardées par quelques femelles.
Après cinq six semaines les jeunes deviennent indépendants.
La chauve-souris, un petit mammifère très utile, à protéger, absolument !
Là encore, contrairement aux idées reçues et aux inepties racontées par certains qui leur ont donné mauvaise réputation, les chauves-souris sont des espèces à protéger parce que très utiles.
La plupart d’entre elles sont en effet insectivores. Elles consomment le quart de leur poids en insectes par jour, soit plus de 1 kilo d’insectes pour un Grand Murin durant l’été.
La chauve-souris nous débarrasse donc de tonnes de moustiques chaque année, c’est d’ailleurs pourquoi elles tournent parfois au-dessus de nos têtes puisque nous attirons nous ces affreux insectes qui, on le sait désormais peuvent propager de graves maladies tel le chikungunya, la dengue, le paludisme ou encore la filariose.
L’Aedes aegypti, moustique dont la piqûre est responsable de la diffusion du chikungunya
Pour protéger les chauves-souris point n’est besoin de grands efforts ! On peut très simplement veiller à
– conserver les haies et les corridors boisés
– limiter voire supprimer l’usage des pesticides
– conserver les arbres creux
– laisser libre les accès aux combles, clochers et granges foraines
– limiter les éclairages des bâtiments et places publiques
– éviter des déranger les chauves-souris dans leur site d’hibernation et de reproduction
– conserver l’habitat traditionnel
autant d’actions certes, bien peu spectaculaires et encore moins médiatiques mais qui s’avèrent absolument nécessaires à la sauvegarde ce petit animal.
La chauve-souris fait partie intégrante de notre patrimoine naturel. Nous avons la chance de la voir voler sur la commune de Seix et aux alentours, tâchons donc de la préserver !
Rappelons à ce titre que toutes les chauves-souris présentes en France sont des espèces protégées comme d’ailleurs l’est leur habitat.
Il est essentiel de combattre les préjugés qui affleurent encore ici et là concernant ce petit mammifère et de tout mettre en œuvre pour faire cesser leur disparition.
Pour en savoir plus :
Parc National des Pyrénées, A la découverte des chauves-souris, 2013