Le village de Seix est constitué d’un tissu de voies étroites et de venelles piétonnes qui convergent toutes vers la place de l’église. Comme l’église paroissiale Saint Etienne, la chapelle Notre Dame de Pitié s’inscrit dans un périmètre classé, comprenant le château de Seix et l’église Saint Etienne.
Cette chapelle, longtemps laissée à l’abandon, – durant au moins une trentaine d’années-, envahie par des chouettes et des chauves-souris qui avaient trouvé asile dans sa charpente, a été en partie restaurée.
La chapelle jouxte l’ancien presbytère dont elle est séparée par un jardin. On y accède par une porte massive de style roman (arc en plein cintre) et par la façade ouest datant vraisemblablement du XVIIe s. C’est une façade en pierre munie de puissants contreforts.
On pense que la chapelle a en effet été construite dans la seconde moitié du XVIIe s., en 1660, comme l’atteste la grosse pierre calcaire placée au-dessus de la porte ouest de l’entrée.
Trois fleurs de lys sculptées soulignent l’ancienne protection royale du lieu. [petit rappel historique : le Traité des Pyrénées a été signé en 1659 , il met fin à la guerre de Trente ans menée contre l’Espagne . Mazarin, représentant de Louis XIV et Don Luis de Haro, représentant de Philippe IV d’Espagne, signent ce traité sur l’île des faisans située sur la Bidassoa, côté espagnol ].
La pierre calcaire comporte également une autre inscription rongée par les intempéries, celle du monogramme IHS : ce monogramme IHS (parfois JHS) est une abréviation et une translittération imparfaite du nom de « Jésus » en grec : Ι = J, Η = E et Σ = S (JES. = Jesus/Ιησους) => différentes interprétations dont la plus commune est en latin le IESUS, HOMINUM SALVATOR (« Jésus, Sauveur des hommes »), IESUM HABEMUS SOCIUM (« Nous avons Jésus pour compagnon ») ou encore IESUS, HOMO, SALVATOR (« Jésus, Homme, Sauveur ») rencontré souvent dans des textes latins.]
Plus modeste que les cloches de l’église St Etienne, la cloche qui surmonte la façade occidentale de la chapelle ND de Pitié – lui donnant en cela la forme d’un mur clocher-, ne mesure que 78 centimètres de haut pour un diamètre de 64 centimètres. Elle date, elle, de 1840 et est décorée d’une croix et de filets ornementaux, elle porte une inscription sur cinq lignes :
L an de J.C. 1840 fondeur J. Bte Dupont à Tarbes
Mater pietatis ora pro nobis Mr Delpy curé
Mr Xavier Brau Propre Maire pour la 2me fois de la cne de seix.
Mr Jn baptiste rogalle Propre 1er Adnt Mr Jn Ildefonse Adrien Brau Avocat a Foix parrain
Mme Thérese Camille marquise de Vernon marraine
Elle est donc l’œuvre de Jean Dupont, fondeur de Tarbes.
Intérieur
Après avoir franchi la porte d’entrée en faisant attention à ne pas vous cogner ( !), vous apercevez le sas d’entrée en forme de pentagone qui, sur toute la largeur, est en boiseries moulurées du XVIII e siècle. Datent également du XVIIIe siècle les deux bénitiers en marbre vert poli veiné de blanc situés à droite et à gauche du sas d’entrée. Le marbre provient directement de la carrière d’Estours voisine, aujourd’hui fermée mais dont il reste des vestiges.
Le plan et l’orientation
La chapelle est construite sans grande originalité selon le style roman classique. Elle adopte le plan simple d’une forme de croix latine : une nef s’ouvre sur un autel orienté à l’est (orientation classique vers Jérusalem (?), symbolique surtout du « soleil levant » qui dans la spiritualité chrétienne symbolise la rédemption du Christ); Deux chapelles latérales ont été construites de part et d’autre de la nef [ St Joseph côté Nord, Ste Anne côté sud] et forment les bras de la croix.
En revanche, la taille de cette chapelle a de quoi surprendre puisque cette chapelle est aussi grande qu’une église et qu’elle possède une double tribune pour accueillir les fidèles. La chapelle est également dotée d’une sacristie qui la fait rejoindre, comme dit précédemment, par l’intermédiaire du jardin de curé, l’ancien presbytère.
La grande dimension de la chapelle et cette possibilité d’accueil de nombreux fidèles (double tribune) peut sans doute s’expliquer par le fait que la route de Seix servait, dès le XVIIIe siècle, à relier la montagne aux marchés de l’avant pays, même si cette liaison ne dépassait guère le Pont de la Taule, à 5 km en amont de Seix. Seix est devenu très tôt un centre local d’échanges, un lieu privilégié pour les foires et les marchés.
Autrefois, le 8 septembre – date de la fête de la nativité de la Vierge pour les chrétiens-, une cérémonie rassemblait ici un ensemble de bergers venant offrir à Notre Dame l’agneau qu’ils portaient à leur cou. [nous rappelons ici que, dans la symbolique chrétienne, l’agneau est considéré comme l’animal par excellence du sacrifice ; dans le sacrifice d’expiation du pêché, l’agneau était chargé des fautes et mis à mort à la place du pêcheur …]
La vocation et les richesses de la chapelle
L’appellation de la chapelle fait évidemment directement référence à la Vierge, mère de dieu, puisque Notre Dame est l’appellation usuelle de Marie. Quant à la pitié, elle fait elle directement référence à la compassion, à la miséricorde, à la commisération chrétienne qu’est censée incarner la Vierge.
Le culte marial (voué à Marie) était donc ici essentiel comme en témoignent les deux très belles piétas (XVIe et XVIIe s.) processionnaires qu’elle abritait et qui sont désormais présentées dans l’église Saint Etienne de Seix, dans les fonts baptismaux, aux côtés des peintures de René Gaston-Lagorre.
Le retable central est orné de trois toiles peintes. Cet ensemble de trois tableaux et de leurs cadres représentent l’adoration des Mages (à droite, face au triptyque) [ d’après un épisode de l’Evangile selon St Matthieu, l’adoration des Mages correspond à un épisode de la nativité du Christ, celle de la visite des rois mages lors de sa naissance. Dans l’iconographie Melchior est le plus vieux, il est le plus souvent barbu et il est celui qui offre l’or, symbole de la royauté du Christ ; Gaspard est souvent dépeint avec des traits asiatiques, il est jeune et offre l’encens ; Balthazar souvent représenté avec la peau noire offre lui la myrrhe ], la descente de la Croix (au centre) et la nativité de la Vierge (à gauche, face au triptyque).
Sur l’un des médaillons du plafond, on reconnaît également une Vierge des douleurs avec sept glaives [il faut savoir qu’au bas Moyen âge, la spiritualité chrétienne fixa une liste des sept joies et des sept douleurs ressenties par Marie au cours de sa vie. Dans la symbolique chrétienne, les sept glaives évoquent directement les sept douleurs de la vierge.
Sept joies |
Sept douleurs |
Annonciation | Prophétie de Syméon |
Visitation (= visite de la vierge à sa cousine Elisabeth, mère de Jean baptiste) | Fuite en Egypte |
Naissance du Christ | Jésus perdu au Temple |
Adoration des Mages | Passion du Christ |
Rencontre de Syméon | Crucifixion |
Jésus retrouvé au temple | Descente de Croix |
Le couronnement céleste | Inhumation |
Le retable architecturé date du 17e s. Il est de style baroque avec des colonnes torses et sur les côtés, des frises terminées par des têtes de monstres, très théâtrales.[à savoir : le baroque s’oppose au style « classique » très épuré qui utilise par exemple des colonnes droites imitées du style antique- Le baroque lui est un art ostentatoire (son symbole est le paon qui se montre et se pavane), c’est aussi un art de la tourmente, lié aux guerres de religion. Le décor baroque cherche souvent à faire peur aux fidèles, à les impressionner… pour mieux les rassembler].
L’auteur des peintures est anonyme mais les peintures, huiles sur toile datent bien du XVIIe siècle.
Le mobilier remarquable :
La chaire à prêcher en bois polychrome date du XVIIIe siècle comme les deux confessionnaux en bois sculpté de style rocaille( qui pourront bientôt être restaurés )) et l’ensemble des lambris et demi revêtements de la nef et des chapelles Ste Anne et St Joseph. A noter que l’ange musicien situé sur le faite de la chaire peinte, devrait bientôt pouvoir y retrouver sa place : il est désormais restauré et se trouve aux côtés des piétas dans les fonts baptismaux de l’église paroissiale. Comme la paire de bénitiers en marbre vert d’Estours, le pupitre d’autel date lui aussi du XVIIIe siècle.
L’ensemble du décor porté de la chapelle : peinture monumentale des Litanies de la Vierge et bas-relief de Notre-Dame des Sept Douleurs datent du XVIIe s et de la seconde moitié du XIXe s. Le décor mural peint date lui du XIXe siècle. Sur les murs peints, des fleurs de lys et une sorte de blason, rappellent encore une fois que Seix était autrefois ville royale. Les autels secondaires de St Joseph et de Ste Anne (mère de la Vierge) datent également du XIXe s. ainsi que les clôtures de chœur de style néo gothique et le dais d’exposition de ND de Pitié. Même chose pour l’ensemble du maître-autel de style néo-gothique : autel tombeau, gradin d’autel et tabernacle architecturé. Du XIXe s.également l’harmonium (Dechain et Cie, facteur d’harmonium) et la paire de vase d’autels.
Pour en savoir plus à ce sujet :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Notre-Dame_des_Douleurs
A partir du XIIe siècle, au fur et à mesure que se développait le culte marial en Occident, les récits de vie de la mère de dieu s’enrichirent de nombreux enjolivements légendaires ou semi légendaires, ainsi a-t-on pu parler d’une « Vierge miraculeuse » dans certains écrits…
A noter enfin, pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur la chapelle, que tout le mobilier et la statuaire de cette chapelle sont répertoriés au Patrimoine Midi Pyrénées section monuments historiques depuis 1992.
Leur description exacte figure sur les bases de données du Ministère de la Culture (bases Mérimée et Palissy).