L’échelonnement des haies
Moutonne à l’infini, mer
Claire dans le brouillard clair
Qui sent bon les jeunes baies…
Paul VERLAINE, Sagesse, III, 13
Dans notre région les haies champêtres ne sont pas seulement un élément de décor, elles font partie intégrante de notre patrimoine paysager.
En plus de donner à voir leurs qualités esthétiques et paysagères, elles ont un caractère patrimonial lié à l’histoire du terroir et des hommes qui y vivent.
Origine des haies
Du francique « haga », la haie désigne une ligne d’arbustes ou d’arbres se développant sur un tapis de végétation herbacée et délimitant un espace.
Depuis l’Antiquité et durant tout le Moyen-âge, la campagne n’étant alors qu’une vaste forêt, les paysans ouvraient des clairières en pratiquant des essarts (brûlis de terres) mais ils conservaient scrupuleusement des bandes d’arbres et d’arbustes pour se protéger des bêtes sauvages et protéger leur bétail.
Cependant, historiquement, le mouvement des enclosures fait référence aux changements qui, dès le XIIe siècle mais surtout à partir de la fin du XVIe et au XVIIe siècle ont transformé, dans certaines régions de l’Angleterre, une agriculture traditionnelle dans le cadre d’un système de coopération et de communauté d’administration des terres – généralement champs de superficie importante, sans limitation physique -, en système de propriété privée des terres, chaque champ étant séparé du champ voisin par une barrière.
Les enclosures marquent la fin des droits d’usage, en particulier des communaux, dont bon nombre de paysans dépendaient.
On peut trouver plusieurs raisons à ce mouvement d’enclosure :
– une raison juridique : les potentats locaux souhaitaient conserver l’exclusivité des terres mais l’absence de cadastre nécessitait de matérialiser les limites foncières ;
– une raison « naturelle » : les haies permettent de parquer les animaux et de se protéger des bêtes errantes ;
– une raison « environnementale » : les haies absorbent l’eau et les fossés ayant permis la surélévation desdites haies drainent cette eau. On crée soit des haies d’arbres fruitiers – pour améliorer la production agricole -, soit des ronciers pour mieux encore défendre les parcelles.
– mais la raison fondamentale c’est la suppression des droits d’usage, celle des « communaux », qui permet la liberté des assolements.
Chez nous, le XVIIIe siècle, avec la Révolution de 1789, signe l’apogée des haies champêtres : le partage des biens seigneuriaux fait que chaque nouveau propriétaire clôture en effet ses parcelles marquant ainsi les limites de sa propriété. Elle devient la clôture naturelle pour les troupeaux et produit des fruits tout en alimentant la pharmacopée familiale !
C’est en revanche la mécanisation de l’agriculture (vers 1930) qui va provoquer la transformation des paysages et faire disparaître bon nombre de haies : les haies apparaissent en effet comme un obstacle au passage des tracteurs, gênant son passage dans les champs… Les fils barbelés remplacent bientôt nos haies champêtres …
Après la seconde guerre mondiale, ce sera l’ère des clôtures électriques …
Comme souvent dans l’histoire, un peu tardivement parfois (!), l’homme prend conscience de ses erreurs : un regard neuf est aujourd’hui porté sur les haies. Avec l’aide de financements publics, les agriculteurs recommencent aujourd’hui à planter des haies champêtres ou à entretenir celles qui sont encore là.
Chez nous ces haies, taillées en général à 1mètre 20 de hauteur en moyenne, sont le plus souvent composées de noisetier ou de buis parfois mélangé à du frêne, du cornouiller ou encore à d’aubépine.
Typologie des haies : elles peuvent être composées d’une seule ou de plusieurs essences :
Les haies basses sont constituées d’arbustes ou de petits arbrisseaux de 1 à 2 mètres de haut. Ces haies buissonnantes sont fréquentes en limite de propriété ou en campagne. Elles se construisent le plus souvent à partir d’espèces épineuses ou à fleur. Elles gardent une fonction ornementale tout en servant de lieux de vie aux oiseaux – merles, fauvettes, bruants, qui y nichent et y trouvent des fruits ou des proies.
Les haies de taille moyenne, atteignent elles une hauteur de 3 à 5 mètres. Le plus souvent elles sont constituées d’une espèce arbustive dominante comme le noisetier, le saule, l’aulne… Sous cette strate arbustive, des strates buissonnantes et herbacées ferment plus ou moins la partie basse – ronces, houx, fougères…
Ces haies abritent des oiseaux, mais aussi de nombreux petits mammifères – mulots, campagnols, hérissons -, des reptiles – couleuvre et vipères- , ou encore de nombreux mollusques et insectes.
Les haies peuvent aussi former de grands brise-vents quand elles sont constituées par des arbres dont la taille peut atteindre 15 ou 20 mètres.
Ces haies arborescentes, généralement constituées par des lignes d’arbres en limite de parcelles ou bien le long des allées ou des routes, sont le plus souvent constituées de chênes, , les érables ou de platanes, de pins ou d’épicéas. Ces haies sont le refuge des corvidés -freux, corneilles, choucas et autres pies- et de petits rapaces diurnes – comme le faucon crécerelle-, ou nocturnes comme la chouette hulotte ou le petit duc.
Fonction et utilité :
– Elles permettent en premier lieu de lutter contre l’érosion, contre l’infiltration des eaux
– Elles servent de plus à la protection des bâtiments agricoles mais aussi à celles des cultures ou encore du bétail
– Elles sont aussi un refuge pour les petits oiseaux, insectes, hérissons, coccinelles et autre gibier sauvage
– Elles embellissent enfin notre environnement et parfois même l’embaument
Les règles d’usage
Pour en savoir plus :
David Dellas, Arbres et Arbustes en campagne, Actes Sud
La participation des agriculteurs à l’amélioration du paysage / Résultat d’une enquête assez pointue en 1996 menée auprès d’agriculteurs de Loire-Atlantique :
http://www.inra.fr/dpenv/colsoc28.htm