Né le 24 février 1898 à Quérigut en Ariège, c’est à 30 ans que Jules Palmade devient directeur du collège de Seix. Pendant vingt cinq ans, de 1927 à 1953, il va le diriger avec une conscience professionnelle exceptionnelle.A Seix, une ancienne élève se souvient :
» 1929-1930. Une salle de classe toute blanche, de grandes fenêtres ouvertes vers la lumière. Des tables en rangs serrés se pressent jusqu’au mur du fond, elles sont toutes occupées par des filles et des garçons de 16 à 17 ans. Combien sommes-nous ? Plus de quarante, certainement. Debout derrière son bureau, notre jeune maître, monsieur Palmade. Nous le fixons tous de nos regards attentifs et nous découvrons son large front de penseur, ses yeux bleus pleins de lumière et de bonté, son sourire bienveillant… » .
Aimée MASSAT, ancienne élève du Cours Complémentaire de monsieur Palmade, à Seix in « La Légion violette », mars-avril 1968, p.6
C’est avec émotion, certes, mais surtout avec énormément de respect que ses anciens élèves se souviennent de Monsieur Palmade en évoquant le Cours Complémentaire qu’il dirigea de main de maître !
« Après le certificat d’études, j’entrai en octobre 1938 au Cours Complémentaire de Seix que dirigeait alors Monsieur Palmade, un homme remarquable auquel je dois beaucoup et dont le souci permanent était de donner aux enfants qui lui étaient confiés, tous de condition modeste, la possibilité de s’élever un peu dans l’échelle sociale en accédant à un emploi administratif. La classe de troisième préparait donc, après le Brevet Elémentaire, au concours d’entrée à l’Ecole Normale d’instituteurs, à la première partie du Brevet Supérieur, aux concours des Postes et du Trésor…»,
ainsi s’exprime Albert TEYCHENNE, qui fut reçu au concours d’entrée de l’Ecole Normale en 1943 …
C’est que Monsieur Palmade défendait déjà des idées d’avant-garde à l’époque comme celle, par exemple, de l’accès à la culture pour tous. Homme de conviction, sa volonté de promouvoir socialement des élèves de condition modeste vivant en milieu rural en faisait un homme résolument tourné vers la modernité. Modernité encore dans la manière dont il proposait aux élèves cet accès à la culture, par le biais d’expériences menées « en direct » et en classe. Il écrira d’ailleurs plusieurs ouvrages de didactique avec Monsieur Bordes. Monsieur Palmade donnait l’exemple, montrant et démontrant inlassablement lui-même l’intérêt des nouvelles techniques de l’époque, faisant découvrir par exemple, en pionnier qu’il était, à des enfants émerveillés, -mais aussi à leurs parents parfois !- l’enregistrement de poèmes sur un magnétophone à bande, technique révolutionnaire pour l’époque, et qui nous a permis, aujourd’hui, de conserver le timbre de sa voix ! Excellent pédagogue, Jules Palmade était également fin observateur. C’est lui qui détectera très vite le talent de René Gaston-Lagorre, lui encore qui encouragera – en leur prêtant par exemple des livres qu’ils n’avaient pas chez eux-, bon nombre de ses élèves qui pourront mener carrière et prétendre à une véritable ascension sociale qu’ils n’auraient sans doute pas connue, – ou du moins plus difficilement- sans ce coup de pouce bienveillant et cette véritable attention que leur portait Mr Palmade.
Homme cultivé, loin de ces gens qui pensent tout savoir sur tout et qui finalement ne connaissent que bien peu, Monsieur Palmade cherchait avant tout à partager son savoir et à le transmettre.
C’est sans doute aussi pour cela que le souvenir de cet homme est encore si prégnant aujourd’hui, auprès de ceux qui l’ont connu ou auprès de ceux et de celles qui en ont entendu parler avec chaleur, par leurs propres parents.
Autre chose encore ! A une époque où tous les instituteurs de France ont pour mission de défendre la langue française et de montrer toute l’importance du lire-écrire en français, Jules Palmade, sans faillir aucunement à la mission qui est la sienne, va oser affirmer la richesse du « patois » régional et adhérer avec non moins de conviction à l’Ecole des Félibriges occitans dont il devient le Secrétaire.
De ce problème linguistique, qualifié de « litigieux » par l’historienne de l’enseignement Mona Ozouf, Jules Palmade se saisit à bras le corps et, loin de vilipender les jeunes écoliers qui lui sont confiés et dont la première langue est celle de leurs parents, l’occitan, il les rend, bien au contraire, fiers de la pratiquer leur montrant la richesse de leur langue propre. Car si l’école est le lieu de l’unification de la langue, si la langue enseignée est bien sûr le français, Jules Palmade, homme de culture, lui-même issu de la culture occitane, sait que cette langue parlée est celle de la tradition, celle qui se pratique dans le village auprès de l’âtre, le soir venu, celle des bergers qui se hèlent là-haut, dans la montagne, celle du parler quotidien. L’Ariège est terre d’oralité, de poésie et de musique aussi.
Mais Monsieur Palmade n’était pas qu’un brillant enseignant ou un directeur de collège accompli en avance sur son temps, il était aussi écrivain et poète. Ses activités et ses écrits en témoignent ; il enregistrait par exemple, en compagnie de sa femme, ses poèmes à voix haute avec le souci d’une diction parfaite, tant il était sensible aux racines communes qui lient musique et poésie depuis l’origine. Jules Palmade n’a jamais cessé de chanter sa terre natale, l’Ariège, dans un langage simple mais très harmonieux. Il rédigera plusieurs recueils poétiques.
Les thèmes abordés sont centrés sur la vie rurale en Ariège, ses fiers paysans, la beauté des paysages ariégeois entre Quérigut où il est né et le Haut-Salat où il mourra. Sa sensibilité aux merveilles de la nature le conduiront également à dessiner et à peindre. Il illustrera de nombreux textes poétiques.
Il décède le 24 décembre 1967, à l’âge de 69 ans en son domicile, situé rue Pasteur, face au collège. Parce qu’il s’agissait d’un homme de conviction, simple mais rigoureux, simple mais exigeant, parce qu’il a passé un quart de siècle entre les murs de l’établissement, le collège de Seix a souhaité l’honorer en 1992 en lui donnant son nom.
Le nouveau collège de Seix, inauguré en 2002, porte donc aujourd’hui le nom de cet ancien pédagogue dont nous venons d’évoquer le souvenir : Jules Palmade.
A Querigut (Ariège) où Jules Palmade est né, c’est la bibliothèque municipale qui, en toute logique, a donné son nom à cet écrivain-poète pour l’honorer.
Bibliographie succincte :
Le travail manuel sans atelier, réalisation d’objets utiles, Pierre Bordes / Jules Palmade, Colin Bourrelier & Cie, Paris.
Moisson Nouvelle, Pierre Bordes / Jules Palmade
Fleurs nouvelles, Pierre Bordes / Jules Palmade, Chez L’Auteur , 1948. 1 volume broché(s) format in-8 (format moyen)
Florilège des écrivains et des poètes de l’enseignement publié par Pierre Bordes et Jules Palmade. Illustrations de Pierre Bordes, Jules Palmade, Osmin Ricau.
Les Saisons, poésies, Jules Palmade, 1952. Anthologie poétique, poèmes de plusieurs auteurs par saison Evasion, Jules Palmade, Vent nouveau éd., 1966, 230p.
Au soleil du Donnezan, Jules Palmade, F. Soula éd., 270p., Pamiers Touny Leris / Ferran André / Praviel Armand / Dalbis Jean / Carlac Roger / Resseguier Raymond / Colomes Jean / Boussac Andriu-J. / PALMADE Jules / Mouly Charles