Pont :
« Construction, ouvrage reliant deux points séparés par une dépression ou par un obstacle qu’il surplombe. », Dict. Le Robert
Passerelle :
« Pont étroit réservé aux piétons », », Dict. Le Robert
De l’importance des ponts et des passerelles dans nos paysages montagnards
De Seix à la vallée d’Estours, nombreux sont les cours d’eau : torrents, rivières ou simples ruisseaux. Ainsi s’explique la multiplicité de ponts et de passerelles qui peuvent être observés sur ce simple parcours.
Ponts et passerelles enjambent les cours d’eau comme autant de liens tissés entre les paysages, comme autant de liens tissés entre les hommes.
Les ponts et les passerelles présentent d’abord un intérêt architectural indéniable, – ce sont des constructions, des créations humaines qui, par leur diversité -ou leur similitude parfois –, s’avèrent caractéristiques d’une région-. Ces édifices peuvent être distingués les uns des autres par la forme qu’ils adoptent et les matériaux utilisés dans leur construction ; la technique de construction elle-même mérite une attention particulière que bien souvent nous ne lui prêtons guère, la force de l’habitude étant passée par là…
Une typologie des ponts peut donc être dressée et une étude des matériaux utilisés dans leur construction pourrait être menée. Les ponts de pierres, mais aussi les passerelles en bois – remplacées parfois, au fil du temps, par des constructions plus solides en fer ou en béton -, s’inscrivent dans nos paysages fortement marqués par un réseau hydrographique d’importance, comme autant de signes familiers.
Mais, si l’intérêt architectural d’une étude des ponts et des passerelles prime le plus souvent, la fonction d’un pont ou d’une passerelle est bien dès l’origine de faire se joindre et se rejoindre les hommes. Cette fonction a commandé leur création, c’est elle qui donne un sens à leur existence.
Le second centre d’intérêt que peut présenter l’étude des ponts et des passerelles est donc bien une fonction sociale.
Pour conclure nous dirons que le lien physique que constitue le pont qui trace un trait dans le paysage est aussi, dès l’origine, un lien social d’union entre les hommes : en reliant les rives opposées des berges, ponts et passerelles relient aussi des hommes. Chacun sait ici combien le pont permet les échanges !
Au cœur du village de Seix, le pont central est le trait d’union qui relie la place de l’église à celle de l’Allée.
Depuis l’origine ce pont est un lieu privilégié de rencontres, un lieu prétexte à promenades, à flâneries, à échanges de conversations informelles qui vont du petit salut matinal à des conversations plus soutenues, échanges verbaux quotidiens où les habitants se donnent mutuellement des nouvelles du quartier. Scandé par les allées et venues des habitants de Seix, le pont central est équipé de bancs à ses deux extrémités ce qui permet une véritable pause pour les gens vieillissants ou les randonneurs fatigués. Le pont central de Seix est aussi un poste d’observation privilégié, qui, s’il permet de suivre des yeux les déplacements des canards ou des truites qui vont et viennent sur le canal, peut aussi devenir un lieu de contemplation du paysage alentour pour peu qu’il ait neigé par exemple ; sur le pont, on peut laisser se perdre son regard dans les miroitements de l’eau les jours d’été ou dans leur furie les jours de pluie diluvienne…
De même peut-on se laisser bercer par le chuintement incessant d’une eau vive que rien ne semble pouvoir arrêter ou s’effrayer tout au contraire du grondement impétueux des flots quand l’orage éclate.
Le pont central, c’est enfin, les jours de fête, l’endroit idéal pour assister à une course cycliste comme celle du Tour de France, à une compétition de canoë -kayac ou encore au spectacle d’un feu d’artifice magnifié ce jour là par son propre reflet dans les eaux limpides du Salat.
Depuis toujours semble-t-il, les jours de foires et de marchés obligent les habitants de Seix à « traverser le pont »-.
Le type d’ échanges est alors bien différent : si les échanges verbaux continuent, ils sont plutôt ce jour là d’ordre économique et tout un chacun peut alors discuter les prix avec les marchands venus des alentours.
Le pont est un point de passage obligé. Seul le pont-route permet l’accès aux villes et villages avoisinants…C’est sur la route d’Espagne et sur la place de l’Allée que se tenaient les grand hôtels d’antan ; c’est encore là que se trouvait et que se trouve encore le départ des bus que l’on se rende à Guzet, à St Girons ou en Andorre.
Si les ponts-routes font se rejoindre les axes routiers les plus importants, les passerelles du village, elles, font se joindre et se rejoindre les différents quartiers
Le pont du Campot, lien entre le Campot et les quartiers de Bagnères et de Pujol
La passerelle de la rue du Roy, lien avec la rue de Pujol et avec la passade dite des Trois sorcières
On se souvient combien la vie des villages de Couflens, de Salau et de Seix s’est trouvée affectée par la destruction des ponts lors d’anciennes crues du Salat. La vie quotidienne dans les villages avait été alors fortement perturbée. Les conséquences des crues soudaines ont fait brutalement par le passé prendre conscience de l’importance des ponts.
Et pourtant ! Le franchissement des ponts et des passerelles est devenu si habituel, si familier parfois, que nous ne prêtons plus guère attention ni à l’ intérêt architectural ni à l’intérêt social qu’ils présentent.
Nous en oublions même souvent jusqu’à leur âge bien que certains d’entre eux soient pourtant plus que centenaires…
Le cheminement de Seix à Estours permet de revisiter la diversité de ces édifices et de se remémorer leur importance.
Différents types de ponts et de passerelles
S’il existe une multitude de types de ponts et de passerelles, une typologie de ces édifices permet, pour plus de commodité, de les regrouper en trois grandes familles :
Une première famille de ponts est celle dite des ponts à poutres. Elle est très représentée dans notre région et tout particulièrement de Seix à Estours.
Une seconde famille de ponts, plus élaborée, est celle dite des ponts en arcs
Une troisième famille serait constituée par celle des ponts à haubans, mais nous nous contenterons ici de la signaler ; nous n’aurons pas à en parler puisque cette troisième famille ne figure pas dans notre périmètre d’observation.
Les ponts à poutre
Le pont à poutre, dans sa forme minimaliste est ce simple tronc d’arbre, jeté en travers du ruisseau, ce tronc trouvé si fréquemment lors de nos randonnées. C’est lui qui est à l’origine de la construction des passerelles, si utiles, qui permettaient dans le passé et permettent encore de franchir le clair ruisseau ou le torrent impétueux en unissant les deux rives.
Cirque de Cagateille. Initiation à la traversée d’un ruisseau sur tronc.
Bon nombre de passerelles et de ponts de notre région appartiennent à cette famille. A l’origine, la structure de la construction est simple : elle repose sur des appuis auxquels elle ne transmet que des efforts verticaux. La poutre la plus simple est donc bien ce tronc jeté en travers du ruisseau.
Structure du pont à poutre
Les culées, sont les appuis extrêmes du pont. Les piles sont les appuis intermédiaires. Les piles et les culées s’appuient sur des fondations.
Très vite la structure du pont à poutre va se complexifier : on renforce les culées qui sont les appuis extrêmes par des piles, appuis intermédiaires qui renforcent la solidité du pont ou de la passerelle.
Dans tous les cas, piles et culées s’appuient donc sur les fondations.
C’est l’histoire des crues du Salat qui va, à Seix, faire évoluer la conception architecturale de la passerelle de la route d’Oust comme on le voit sur ces photographies.
Cette construction relativement sommaire ne résistera pas aux crues du Salat en furie. Emportée par la crue, la passerelle sera reconstruite à l’identique mais, lors de sa première reconstruction, renforcée par des piles en béton comme on peut le constater sur cette ancienne carte postale.
Ayant eu à souffrir à nouveau d’une violente crue du Salat -en 1982-, la passerelle de l’avenue d’Oust va tout bonnement changer « de famille » : en prenant cette fois l’aspect d’une voûte (passerelle vénitienne) qui n’offre plus aucune résistance à l’eau – et qui ne risque donc plus d’être emportée par les flots déchaînés du Salat-, elle appartient aujourd’hui à la famille des ponts en arcs.
Même évolution, mais cette fois sans cet aspect tragique que confère toute catastrophe naturelle à l’histoire d’un village, pour la passerelle de la Rue du Roy.
Comme l’ancienne passerelle de la route d’Oust, l’ex- passerelle de la rue du Roy qui enjambe l’Esbints appartenait elle aussi à la famille dite des « ponts à poutre »… Le détail de ce tableau peint de René Gaston-Lagorre , représentant deux femmes conversant sur la dite passerelle dans les années 50, en est un témoignage.
En 1997, Roger Barrau, maire de Seix, décide de faire reconstruire la passerelle devenue vétuste : elle se transforme en arche.
Seix. La passerelle de la rue du Roy aujourd’hui adopte le forme dite « à dos d’âne »
Les ponts en arc
L’arc est construit sur un cintre.
Pour le cas des arcs en pierre, on place les pierres les unes à côté des autres en les ajustant. Lorsque le pont est terminé, on enlève le cintre, on décintre. Sous l’effet de son poids l’ouvrage a tendance à se tasser, ce qui comprime les pierres les unes contre les autres et crée une poussée.
Le pont du Campot est un pont à 2 arches de pierres basaltiques.
Le pont qui relie le Campot au quartier de Pujol en franchissant l’Esbints appartient à cette famille des ponts dite en arc tout comme appartient à cette famille le pont central de Seix.
Seix est situé à la confluence de l’Esbints et du Salat. Le cœur du village se trouve à cet endroit même où ont été bâties, la mairie et l’église. La place de l’église est reliée à la place de l’Allée par un autre pont en arc, le pont principal ou pont central qui comporte trois arches ce qui en fait un édifice solide qui peut résister aux flots impétueux du Salat.
La topographie du village de Seix est le reflet d’une véritable civilisation de l’eau : nombreux sont les petits ponts, passerelles et accès à l’eau, les canaux et les écluses témoignent eux aussi de l’importance de l’eau dans les siècles passés.
Le canal latéral au Salat devenu réserve de truites
Quelques accès piétons mènent directement à l’eau. Ils ont été aménagés sous les maisons ou parfois entre les maisons. Les caves sous les maisons comportaient parfois des lavoirs et les femmes qui battaient le linge à la main autrefois utilisaient directement l’eau de la rivière.
Si nous partons maintenant en balade de Seix vers Estours, à la sortie de Seix , en direction du Pont de la Taule, on aperçoit, à hauteur du petit Raourès, les traces de l’ancienne passerelle qui permettait de faire se rejoindre le chemin de Trésors parallèle à la route d’Espagne. Les deux butées de cet ancien pont à poutre, qui n’a jamais été hélas reconstruit, sont encore visibles.
Seix. Petit Raourès. Restes de l’ancienne passerelle emportée par la crue de 1982.
Un peu plus loin en amont, la passerelle de Coumecaude franchit le Salat et permet de rejoindre le hameau et d’observer les anciennes terrasses cultivées autrefois.
Un peu plus haut, toujours en amont, à hauteur du Pont de la Taule cette fois, une autre construction franchit le Salat qui unit la route d’Espagne aux anciennes carrières de marbres d’Estours, permettant ainsi de desservir les hameaux avoisinants.
Plus la vallée se resserre, plus les passerelles vont aller en se multipliant.
Au cours de la balade, on peut constater que les matériaux utilisés pour la construction sont divers.
Jusqu’à la révolution industrielle, pour la construction des ponts et des passerelles, on employait surtout des matériaux naturels, plus ou moins travaillés, que l’on trouvait sur place : essentiellement le bois et la pierre mais aussi des lianes. [rappelons qu’il en était également ainsi dans la construction des granges foraines]
Au cours du XIXe siècle, après l’utilisation de la fonte, on utilise de plus en plus le fer et l’acier. A la même époque on découvre le ciment hydraulique et à la fin du XIXe siècle, un français, Monier, invente le béton armé.
Au début du XXe siècle un autre français découvre le béton « précontraint » (que l’on comprime par une « précontrainte » afin qu’il reste toujours comprimé lorsqu’il sera chargé). N’oublions pas pour autant que dès l’Antiquité, les romains utilisaient déjà la maçonnerie, ancêtre de notre béton, et que l’on avait découvert depuis longtemps les principes des armatures en béton armé- en Mésopotamie et en Assyrie notamment-, en mettant des joncs et du bois dans l’argile pour justement « l’armer ».
La variété des formes reflète certes l’expression de la multiplicité des fonctions, mais elle est aussi le résultat d’une évolution ; évolution dans les matériaux avec l’utilisation du bois, de la pierre, de la fonte, du fer, de l’acier, du béton ; mais évolution dans les techniques aussi : ponts en arcs, ponts poutres, ponts suspendus…
On le constate, les édifices survivent en général bien au-delà de l’époque qui les a conçus : il en résulte qu’ils sont un témoignage toujours présent dans notre paysage familier, d’une évolution, de la trace matérielle de l’histoire.
Si les ponts et les passerelles ont une évidente importance et une utilité incontestable pour l’amélioration de la circulation générale, ils sont chez nous l’infrastructure nécessaire pour le transport et le commerce et donc pour le développement de l’économie locale. Mais il ne faudrait pas les réduire à cette seule fonction.
Le pont et la passerelle sont aussi un vecteur social, un axe de communication, un facteur de désenclavement. Ils attestent du besoin d’échanges et de communication entre les hommes au fil du temps, de ces hommes qu’ils « relient » entre eux.
La fonction symbolique des ponts et des passerelles
Ponts et passerelles peuvent également être dotés d’une fonction symbolique : à Seix, le pont central, s’il est le passage obligé pour aller du centre vers la place de l’Allée où se tiennent foires et marchés, est également le passage obligé qui conduit de la place de l’église… au cimetière !
Nous touchons là à une autre fonction du pont, sa fonction symbolique, un peu comme si, au coeur du village, le pont central soulignait, comme dans les mythologies anciennes, le passage de la vie à la mort…D’un point de vue symbolique le pont ou la passerelle sont d’ailleurs souvent (comme dans la légende arthurienne où le chevalier, parti à la conquête du Graal doit franchir pas moins de neuf ponts ) associés à la notion de danger : peur du vide, du précipice, de la chute fatale.
Cette fonction symbolique, renforcée par le fait que le pont soit aussi un lieu de sensations privilégié (bruit, vision) est sans doute à l’origine du fait que le pont intéresse souvent les artistes : parce qu’il permet de s’abandonner à la rêverie ou de s’interroger sur le sens de la vie (Héraclite dès l’Antiquité ne s’interrogeait-il pas déjà sur l’irréversibilité du temps en contemplant les flots du fleuve ?) le pont est souvent immortalisé par les artistes
Peintres professionnels ou amateurs, photographes, dessinateurs de tout poil ont pu ainsi fixer pour l’éternité les ponts sur différents supports… Ci dessous des gouaches de René Gaston-Lagorre peintes en 1988 et 1998.
L’architecture des ponts et des passerelles porte en elle l’enrichissement d’une éducation esthétique et le savoir d’un apprentissage technique tout en étant un art du quotidien.
Ce travail est surtout le fruit d’une observation et le fruit d’une enquête in situ. Il est parfois nécessaire d’apprendre à regarder ce que l’on croit connaître avant que de se jeter dans les archives.
Les photographies sont ici de véritables documents qui ont servi l’analyse et d’où l’on peut conclure que le pont ou la passerelle, sont de vraies invitations à la découverte, à l’exploration ; ils sont des passages, des franchissements, des avancées…
Espérons donc que ce petit dossier vous donnera envie à votre tour de franchir ponts et passerelles qui mènent de Seix à Estours et qu’ils vous mèneront même bien au-delà….en attendant, nous vous offrons ces quelques repères et une galerie de photos en rapport étroit avec ce qui vient d’être développé.
Ponts de Seix
Pont du Campot
Pont d’Aunac (à hauteur du tennis)
Pont central qui relie l’Allée à la place de la Mairie
Pont route d’Oust qui fait se relier la route d’Oust et la route de Soueix via Escarrère
Pont surl’Esbints à la sortie de Seix et mène à Sentenac d’Oust
Passerelles de Seix
Passerelle route d’Espagne : restes de la passerelle du Raourès
Passerelle route d’Oust
Ponts et passerelles proches de Seix
Pont de la Taule
Passerelles du Pont de la Taule à Artigues
Passerelle du Bourdillou (Couflens 09140)
Passerelle de Lacouch (Couflens 09140)
Passerelle de Bazets (Aulus 09140)
Pasrelle de Coumecaude (Seix 09140)