« Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,
Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits
Qui compriment le cœur comme un papier qu’on froisse ?
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse ? »
Baudelaire, Réversibilité, Les Fleurs du mal, 1857.
Le portail du cimetière de Seix, s’il figure bien aujourd’hui à l’inventaire du patrimoine des Monuments historiques – base Palissy du Ministère de la Culture -, n’est hélas que répertorié et non classé or sa dégradation ne laisse de nous inquiéter : le bas du portail est aujourd’hui rongé par la rouille et cassé sur sa partie droite. Nous notons également des manques dans les ornements qui disparaissent parfois sous l’épaisseur d’une mousse terreuse et humide…
Montrer tout l’intérêt de cet élément d’art funéraire est une façon pour nous de tenter de convaincre les élus et les fondations patrimoniales du bien fondé et de l’urgence de la restauration de ce portail avant qu’il ne s’effrite davantage encore.
Car, à nos yeux, ce portail monumental du cimetière de Seix est un véritable chef d’œuvre de l’art funéraire du XIXe siècle et de sa symbolique particulière.
Il s’agit aussi, à travers cet article, de faire suite au travail déjà réalisé sur la symbolique des anges en rapport avec l’ange musicien de la chapelle Notre Dame de Pitié de Seix.
En fonte noire ouvragée, le portail d’entrée du cimetière de Seix date du XIXe siècle. Haut de 3 mètres – sans compter son couronnement -, il a une largeur de deux mètres 36.
Ce portail, somme toute assez impressionnant de par ses dimensions, donne directement accès à l’allée principale qui conduit à la croix du cimetière.
Le mur de soutènement du portail a été construit en moellon de pierre calcaire. Deux solides colonnes encadrent ce portail monumental, chacune d’entre elles étant surmontée par une urne en fonte.
Doté de deux battants en fonte, le portail comporte une grille finement ouvragée.
Sur cet ensemble on peut encore voir un couronnement à élévation galbée et cintrée avec de superbes entrelacs surmontés d’une croix. Ces éléments en fonte sont peints de couleur noire et argentée.
Ce portail vaut surtout par son ornementation, un extraordinaire décor à symbolique mortuaire, ce qui, à nos yeux, le rend absolument unique et digne d’être classé.
Depuis des décennies maintenant, sept anges argentés scrutent de leurs yeux creux toute personne qui s’apprête à pousser les battants de la porte d’entrée du cimetière de Seix.
A l’origine, ces anges de la mort étaient au nombre de huit mais l’un d’entre eux a déjà disparu et tous portent de fortes traces d’oxydation que l’on souhaiterait voir se stabiliser au plus tôt désormais…
L’ornementation du portail est en fait constituée d’un triple décor symbolique :
• Huit anges de la mort – même s’il n’en reste plus que sept aujourd’hui -, figurés ici par des crânes à ailes de chauve-souris sont insérés dans chacun des angles des vantaux inférieurs du portail.
• une frise de huit hiboux argentés, sorte de gardiens de la Nuit,-la Nuit s’apparentant elle aussi ici à la Mort – surmontent ce décor dans les vantaux supérieurs et ce, en alternance avec le troisième élément du décor symbolique, à savoir celui des sabliers. Notons que les hiboux, rapaces nocturnes, sont connus pour leur vol de nuit particulièrement silencieux, ce qui sied évidemment au cimetière, considéré comme un lieu de repos éternel.
• le dernier élément du décor symbolique est constitué à l’origine par huit sabliers ailés, symboles d’éternité qui alternent, dans la frise supérieure de la grille, avec les huit hiboux ; deux autres sabliers ailés sont inscrits dans des médaillons au bas des vantaux . Manquent hélas déjà à l’inventaire deux sabliers sur le vantail de gauche et le bas du portail se dégrade de manière inquiétante ….
Des palmettes argentées viennent parfaire ce décor funéraire et le souligner. Disposées en vis-à-vis dans la partie supérieure des vantaux, pointes dressées vers l’intérieur, ces palmettes étaient à l’origine au nombre de 32 : là encore à notre grand regret, nous notons des manques que l’on aimerait ne pas voir s’accentuer,- seules 28 d’entre elles sont aujourd’hui intactes, la 29e est cassée et les trois autres ont bel et bien disparu-.
Le point commun entre ces trois symboles est bien évidemment que chacun d’eux, à sa manière, évoque la Mort :
les crânes d’abord : réduits à leur état d’os dépouillés de la chaire ancienne.
les hiboux ensuite : rapaces de la Nuit et plus particulièrement de cette nuit éternelle qu’est la Mort.
les sabliers enfin qui symbolisent, avec l’écoulement inexorable du temps, une forme d’éternité, celle du repos éternel donné par la Mort.
Cette symbolique est bien plus ancienne que la chrétienté elle-même. Elle appartient depuis toujours au monde profane et elle est surtout parfaitement universelle. Cela signifie que toute personne attentive, quelques soient ses croyances ou son athéisme peut comprendre la signification de tels symboles et, dès la grille d’entrée, au seuil du cimetière, savoir qu’elle pénètre en un lieu particulier, un lieu où la mort est omniprésente.
Au XIXe s., le symbolisme est un mouvement littéraire et artistique qui, en réaction au naturalisme, va prédominer.
Baudelaire en sera, en France, le chef de file quand il rédigera, entre autres, son sublime recueil poétique intitulé Les Fleurs du mal (1857), où se côtoient d’un bout à l’autre les thématiques de l’amour, de la mort et du temps assassin et dont on rappellera ici que, s’il s’ouvre sous le signe de Satan, il est immédiatement suivi par un poème intitulé Bénédiction où l’on peut lire ceci :
« …Pourtant sous la tutelle invisible d’un Ange,
L’Enfant déshérité s’enivre de soleil,
Et dans tout ce qu’il voit et dans tout ce qu’il mange
Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil » (Bénédiction, v.21-24)
Curieux mélange de mythologie chrétienne et de mythologies antiques (le nectar et l’ambroisie sont les boissons des dieux de l’Olympe) que l’on retrouvera pourtant, comme nous le verrons ensuite, dans le cimetière de Seix.
Pour les Symbolistes, le monde est un mystère à déchiffrer : les poètes et les artistes symbolistes mettent en correspondance les sons, les couleurs, les visions cherchant à créer les liens nécessaires entre une idée abstraite (ici, la Mort) et des images chargées de l’exprimer (ici, successivement les crânes, les sabliers et les hiboux), invitant ensuite le lecteur -ou le passant -, à véritablement déchiffrer le mystère du monde à travers ses représentations.
Il n’y a donc sur ce portail seixois daté du XIXe siècle, aucune fantaisie de sculpteur mais bien plutôt une convergence de signes et de symboles –inspirant la peur- qui tous nous rappellent, au-delà de quelque conviction religieuse que ce soit – que le passage de la vie à trépas est tout simplement inéluctable.
On le voit, si la représentation des anges musiciens constitue une variante des évocations paradisiaques, celle des anges de la mort et des symboles qui les accompagnent (sabliers et hiboux) inspirent effroi et inquiétude.
Le second point commun entre ces trois symboles est que chacun d’entre eux est doté d’une paire d’ailes : cette fois, en revanche, nous entrons bien dans une symbolique propre à la mythologie chrétienne.
Les ailes sont en effet les attributs des anges, anges dont on voudra bien se souvenir qu’ils sont eux, dans la religion chrétienne, les intercesseurs entre le monde terrestre et le monde céleste. Mais notons toutefois et très immédiatement une différence fondamentale entre les paires d’ailes dont sont dotés nos symboles ailés et la paire d’ailes de l’ ange musicien précédemment évoqué : alors que l’ange musicien de la chapelle Notre Dame de pitié semblait prêt à l’envol avec ses ailes déployées , qui suggéraient le mouvement (et donc la Vie), ici, à l’inverse, chacun des symboles ailés se voit doté d’ une paire d’ailes représentées « au repos », parfaitement statiques , marquant une totale immobilité, celle de la Mort.
C’est évidemment dire que, contrairement à celles de l’ange musicien, ces ailes qui ne sont plus « volantes » marquent symboliquement le repos éternel : seule la Mort en effet nous donne à connaître cet état de silence et d’immobilité absolus .
Un troisième point commun enfin à ces trois symboles ailés serait à rechercher du côté de la symbolique des nombres : nous observons à l’origine que 8 hiboux côtoient 8 sabliers sur la partie haute du portail + 2 en bas (10) où se trouvent à l’origine 8 crânes ailés (à chacun des angles) ; 32 palmettes et 26 paires d’ailes au total soulignent cette parité des nombres…
Rappelons simplement que le 8 couché est symbole de l’infini et que, dans la mythologie chrétienne, le 8 est aussi le nombre du repos, après le 7e jour de la création. (Genèse).
Osons une synthèse de ces divers éléments : à la noirceur du portail, aux hiboux, oiseau nocturne s’il en est, aux têtes de mort ailées, au silence qui prédomine (le vol du hibou a en commun avec celui de l’ange d’être parfaitement silencieux), à l’évocation du temps qui passe avec les sabliers, marqueurs d’éternité, aux chiffres pairs et à l’importance accordée au nombre 8, à la notion de repos et donc à un positionnement forcément horizontal (celui des défunts couchés en ce lieu), tous les éléments semblent se correspondre et résonner en écho. Tout concourt à nous indiquer ici que ces figures sculptées loin d’avoir été choisies au hasard sont bien toutes des figures allégoriques de la Mort dans ce qu’elle a d’irréversible.
Notons enfin, en observant une dernière fois ce portail, que chaque sablier ailé appartenant à la partie supérieure des vantaux est enserré dans un lacis de feuilles d’acanthe et de calices de pavots, et que dans le bas du portail –malheureusement aujourd’hui fortement endommagé- figure une frise et un lacis de feuillages.
Rappelons que, selon une légende rapportée par Vitruve, le sculpteur Callimaque, à la fin du Ve siècle avant J.C., se serait inspiré, pour orner un chapiteau, d’un bouquet de feuilles d’acanthe surplombant le tombeau d’une jeune fille.
Le symbolisme de la feuille d’acanthe a été très utilisé dans les décorations antiques chez les grecs comme chez les romains pour orner en particulier – mais pas seulement !- les chapiteaux des colonnes corinthiennes ; ce symbolisme sera récupéré par la chrétienté au Moyen âge.
On peut retenir de la légende, qu’à l’origine, tout au moins, l’acanthe est surtout utilisée dans l’architecture funéraire pour indiquer que les épreuves de la vie et de la mort symbolisées par les piquants de la plante, sont enfin surmontées.
Ouvrons donc maintenant le portail et poussons plus avant. Nous pénétrons dans le cimetière, face à la croix de l’allée centrale.
De part et d’autre des allées, nous découvrons des tombes. Dans l’iconographie des cimetières, les anges ont souvent une part importante.
Certaines des tombes que nous découvrons sont ornées de croix angéliques et porteuses de signes symboliques. Les croix sculptées faisant partie intégrante de l’art funéraire, elles retiennent notre attention.
Observons donc ces anges.
Sur la tombe du caveau familial d’ Anicet Gaston-Lagorre, facilement reconnaissable au damier noir et blanc de sa pierre tombale, existe une ancienne croix de fer forgé. Deux anges en pied, aux deux ailes immobiles, semblent ici en prière. Ils se tournent le dos de manière parfaitement symétrique. Tous deux sont vêtus d’une longue tunique qui retombe le long de leur corps, ils sont pieds nus ce qui, dans la mythologie chrétienne est un signe de mission dans le monde terrestre.
Tous deux se tiennent debout, mains jointes, yeux baissés vers la terre.
Ces anges sculptés valent surtout pour le motif artistique. Datés sans doute du XIXe s. nous avons dit qu’ils baissaient les yeux : rappelons que, dans l’histoire de l’art, ce n’est qu’à partir du XVIIe siècle que les sculpteurs font baisser les yeux aux anges.
Un motif sculptural similaire peut-être trouvé un peu plus loin sur la tombe de Georgette Loubet
Ici, les figurations angéliques, évoquent le passage de la mort à une forme de vie nouvelle où le défunt est rappelé vers Dieu.
Mais les anges intercesseurs sont aussi parfois représentés sous les traits des anges adorateurs, à genoux, les mains jointes.
C’est le cas sur la croix dune autre tombe, celle de la famille Loubet : cette fois les anges sont face à face et portent clairement la croix ; de plus l’iconographie s’enrichit ici en son centre d’une grappe de raisin figurant peut-être le sang du Christ crucifié juste au-dessus mais aussi tout aussi sûrement le sang, symbole de vie nouvelle pour le défunt situé lui, juste en dessous. Un cœur inscrit dans un cercle peut désigner ici le siège de l’amour divin.
L’ ange, intermédiaire entre les deux mondes terrestre et céleste, se manifeste ici dans les fonctions de gardien et de conducteur de l’âme dans l’au-delà, il souligne le dualisme chrétien entre le corps reposant sous terre et l’âme, montée au ciel.
Autre exemple de la symbolique angélique : une croix comportant un ange qui, cette fois, adopte une forme bien différente.
Il s’agit cette fois d’un ange réduit à une tête entourée de quatre ailes : il s’agit à n’en pas douter d’un chérubin, qui appartient donc à l’ordre supérieur des anges comme nous l’avions écrit précédemment dans l’article sur l’ange à la trompette : cet ange a en effet en partie perdu sa forme terrestre (les trois quarts de son corps qui l’apparentaient davantage à l’homme) parce que placé plus haut dans la hiérarchie angélique, juste après les séraphins. Cet ange là signifie donc sa plus grande proximité avec le ciel et donc, dans la mythologie chrétienne, avec Dieu.
En revanche dans le domaine symbolique, notons que ce chérubin est surmonté sur la croix par un signe profane qui remonte aux temps de l’Antiquité égyptienne : l’œil du delta
Dans un cercle qui figure de la perfection (forme géométrique parfaite) s’inscrit un triangle équilatéral avec, en son centre, l’œil du Delta.
Chez les égyptiens l’œil (Oudjat) était un symbole sacré que l’on retrouve sur presque toutes les œuvres d’art. Comme ce sera le cas bien plus tardivement pour l’ange dans la chrétienté, l’œil du faucon (Horus) voit tout.
Les francs maçons se sont emparés du symbole : le delta lumineux est pour eux un signe très fort du ternaire : le triangle est censé porter en son centre l’œil de l’intelligence. Les francs maçons voient dans l’œil du Delta à la fois la Force qui entreprend, la Beauté qui orne, la Sagesse qui harmonise.
Cet œil symbolise aussi le soleil d’où émane la vie et la lumière ; c’est le principe créateur et, sur le plan spirituel, il symbolise le Grand architecte de l’univers.
Par le biais de cet exemple, on voit comment le cimetière, y compris dans notre petit village de Seix, peut être un lieu mixte ou se mêlent le profane et le religieux. Sans doute s’agit-il là d’une tombe de franc maçon.
Dans ce cimetière existe aussi une petite chapelle dont la grille offre elle aussi de multiples symboles.
Nous y retrouvons le sablier ailé comme sur le portail du cimetière bien que doté cette fois d’ailes plus importantes apparentées à celles des archanges. Mais nous trouvons également ici de nouveaux symboles
Une amphore antique sur laquelle est posée une couronne de fruits évoque les rites anciens où il était de tradition de porter des offrandes nourricières aux défunts et, comme si cela n’était pas suffisant, dans la partie inférieure cette fois de la grille se trouvent, encadrées d’un grand rectangle argenté, deux superbes cornes d’abondance nouées par un ruban.
On se souvient que dans la Grèce antique, la corne d’abondance ornait le front de la chèvre Amalthée, qui nourrit Zeus dans son enfance. La mère de Zeus craignait en effet que le bébé ne soit mangé par Cronos (= le Temps), son père.
Un jour, Zeus cassa une des cornes de la nourrice. Plus tard, pour se faire pardonner, il donna à cette corne le pouvoir d’abonder de fleurs et de fruits. Cette « corne d’abondance » représente la richesse et la fécondité. Métaphoriquement, la corne d’abondance est donc synonyme de source inépuisable de bienfaits.
Là encore nous voyons comment la chrétienté s’est emparé d’un mythe ancien et se l’est approprié : ces cornes d’abondance chargées de fruits et de fleurs évoquent ici bien sûr ici le paradis perdu de l’Ancien testament, celui du temps où l’homme n’avait pas besoin de travailler puisque Dieu avait mis à sa disposition un jardin d’Eden luxuriant où il suffisait à l’homme de tendre la main pour se nourrir mais ce temps révolu était celui d’avant la faute originelle, celle d’Eve tentée par la pomme interdite !…
Nous serions incomplets si nous ne parlions pas ici des deux décors encadrant d’une part la partie supérieure de la grille de cette petite chapelle et de l’autre la partie inférieure. Dans la partie supérieure dix petites fleurs argentées à l’origine – qui, aujourd’hui, ne sont que 9 ; dans la partie inférieure, quatre angelots joufflus dotés d’une paire d’ailes
Les fleurs argentées ont six pétales et s’inscrivent en relief sur fond noir, rappelant le symbolisme des couleurs et des nombres du portail d’entrée.
L’angelot qui d’habitude est essentiellement le signal d’une tombe enfantine nous rappelle ici le putto italien. . Ce terme architectural désigne sur une façade la représentation d’un nourrisson joufflu. Les putti se trouvent essentiellement sur des monuments relevant du baroque. Le personnage du putto est inspiré là encore de l’art de la Grèce antique, mais il fut redécouvert et réutilisé au début du Quattrocento. Ce sont des anges symbolisant l’amour. La tête du putto encadrée de ses deux ailes semble poursuivre jusqu’à nos jours sa carrière multiséculaire sous la forme miniaturisée d’une applique, stéréotypée et naïve.
Si nous nous promenons dans les allées, nous noterons encore la présence sur quelques tombes d’oiseux gravés ou sculptés dans la pierre. Les thèmes de l’aile et de l’âme, celui de l’envol permettent de traduire la transcendance morale, c’est pourquoi ils sont si fréquents sur les plaques commémoratives.
Au cimetière plus qu’ailleurs peut-être, tout signe est un message dont les familles des défunts –ou les défunts eux-mêmes !- sont commanditaires.
L’ange, les croix mais aussi tous les autres symboles qu’on y croise sont susceptibles de s’y charger d’une multiplicité de significations, selon les attributs qui leur sont dévolus, selon leur mise en situation, selon les résonances qu’ils entretiennent entre eux et dans leur rapport aux défunts.
Le cimetière est un lieu de statut mixte, où coexistent une iconographie religieuse et une iconographie profane qui peuvent être peu distinctes. Il est, de fait, parfois difficile de préciser la raison d’être de statues d’anges adultes sur un tombeau. L’ange peut simplement faire fonction de gardien de la sépulture. Il peut être aussi une allégorie de la foi chrétienne. L’ange peut être enfin une figure allégorique floue suggérant l’immortalité de l’âme, ou la persistance d’un principe vital après la mort, qui semble surtout introduire une certaine spiritualité dans le décor du cimetière, en particulier lorsqu’il est érigé sur un tombeau qui n’a pas de signes religieux.
C’est à Baudelaire que nous laisserons le soin de conclure :
« Sous les ifs noirs qui les abritent,
Les hiboux se tiennent rangés,
Ainsi que des dieux étrangers,
Dardant leur œil rouge, ils méditent.
Sans remuer, ils se tiendront
Jusqu’à l’heure mélancolique
Où, poussant le soleil oblique,
Les ténèbres s’établiront.
Leur attitude au sage enseigne
Qu’il faut en ce monde qu’il craigne
Le tumulte et le mouvement ;
L’homme ivre d’une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D’avoir voulu changer de place. »
Baudelaire, « Les Hiboux », Les Fleurs du mal, 1857.