« Ainsi des violettes, sous des buissons épineux, exhalent au loin leurs doux parfums quoiqu’on ne les voie pas. »
Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, 1787.
Que l’on monte à Bourbou, au Tuc ou à Aunac, les talus au printemps se couvrent de violettes… Tapie sous les fougères, la violette des bois qui aime l’ombre, se trouve elle en abondance sur les pentes du Bouireix.
Et pour le seul plaisir des sens, la tentation est grande d’en cueillir quelques unes…
Violettes perlées de rosée matinale
Cette fine fleur printanière appartient à la famille des Violacées. Elle séduit et enivre également bon nombre d’insectes qui s’abreuvent au printemps du nectar dont son éperon est empli.
- Une fleur hautement symbolique
En aspirant cette fleur de printemps on comprend pourquoi les fables des anciens imaginent que Jupiter, après que la belle Io a été métamorphosée en génisse par Junon rendue folle de jalousie, fait naître la violette, procurant ainsi à la Belle une pâture digne d’elle !
Et de fait, la violette est souvent associée aux femmes dont la beauté suave, capiteuse, est empreinte de mystère.
Si cette jolie fleur printanière symbolise l’amour discret, pudique, et parfois même caché, il n’en a pas toujours été ainsi. Son histoire est riche de symboles. Pour les romains, dès l’Antiquité, la violette était une fleur de deuil, elle accompagnait les cérémonies funéraires et symbolisait le regret.
Sans doute est-ce pour cette raison que les chrétiens l’adoptent : aujourd’hui encore, dans les cimetières, on peut voir disséminés çà et là des bouquets de violettes en céramique et, de ce point de vue, le cimetière de Seix ne fait pas exception à la règle !
Les violettes du cimetière de Seix
Les chrétiens pour qui la violette est symbole de regret mais aussi de pénitence attribuent bientôt sa couleur à la robe des évêques.
Pourtant, au 19e siècle, la violette se charge d’un tout autre symbole, historique celui-là.
Quand Napoléon part en exil vers l’île d’Elbe, il promet à ses fidèles de revenir quand les violettes refleuriront. Et Napoléon tient parole. Il débarque à Golfe-Juan, près d’Antibes, en mars 1815, ce mois où les violettes fleurissent là-bas en abondance !
Celui qui désormais est surnommé le Caporal La Violette reforme un bataillon et marche sur Paris. La violette devient le symbole de l’Empire. Un symbole si prégnant que, dans les années qui suivent les Cent jours, il sera formellement interdit de planter des violettes dans les jardins publics comme sera interdite toute publication concernant la violette sous peine d’être accusé de bonapartisme !
On reconnaît aisément sur cette carte un couple du second Empire et le « petit chapeau » napoléonien, bicorne de feutre noir, l’un des symboles qui caractérise la figure de l’empereur Napoléon 1er.
L’image de la violette impériale ressurgira pourtant sous une toute autre forme, plus durable celle-là : la création des palmes académiques en 1866 emprunte à la violette la couleur de son ruban et c’est toujours le cas.
- Une fleur aux usages multiples
Un usage médicinal
Si, dès le Moyen-âge, l’homme utilise les fleurs de violettes pour décorer les salades, si aux 13e et 14e siècles les anglais les utilisent pour parfumer leur célèbre pudding, la violette est surtout vantée, à cette époque, pour ses propriétés médicales.
On attribue en effet à ses racines des vertus purgatives.
La violette a longtemps été considérée dans les campagnes comme une très bonne plante vomitive à laquelle on a donc recours fort naturellement en cas d’embarras gastrique, encore fallait-il être très circonspect dans cet emploi !
Ses fleurs, infusées en tisane, sont également utilisées pour guérir les rhumes. Fraîches, les fleurs produisent un suc laxatif qui sert à fabriquer un sirop pectoral, calmant, adoucissant, excellent semble-t-il contre la toux !
La violette reste aujourd’hui l’un des composants de la tisane des sept espèces pectorales avec le tussilage, la bourrache, le coquelicot, le pied-de-chat, la mauve et la guimauve.
Une recette de tisane pectorale
10 grammes de racines pour 250 millilitres d’eau.
Porter à ébullition
Laisser macérer 1/2 heure
En boire une tasse trois à quatre fois par jour
Une exploitation industrielle et touristique
Si l’utilisation ornementale de la violette est toujours très appréciée la senteur, la saveur, la couleur de la violette sont largement exploitées par l’industrie dès le 19e siècle où lessives, savons, eau de Cologne, poudre, crèmes et lait de violette coexistent.
- Usages alimentaire et industriel
L’industrie vinicole s’empare à son tour de cette fleur champêtre.
Ainsi, dans le Médoc, existe-t-il aujourd’hui un Château La Violette dont les vins nous dit-on, sont si marqués par la fragrance de cette jolie fleur, que pour cette seule raison ils lui doivent son nom.
On fabrique également des liqueurs de violette, en voici une recette :
Une recette de Vin de violette
Temps de préparation : 15 minutes. Temps de cuisson : 15 minutes
Ingrédients :
200 grammes de violettes fraîches
75 cl d’eau de vie à 40 °
25 cl d’eau
350 grammes de sucre
Otez les tiges et les étamines pour ne conserver que les pétales
Dans une casserole, faites chauffer l’eau de vie et les pétales de violettes jusqu’à ébullition
Arrêtez le feu, laissez infuser cinq minutes
Préparez un sirop en faisant réchauffer le sucre et l’eau tout en remuant
Mettez la liqueur de violette en bouteille
Notons qu’il existe également un thé noir au parfum de violette.
Cette fleur emblème de la ville de Parme en Italie, est aussi célébrée à Toulouse.
Au XIXe siècle, la violette de Parme est introduite dans les jardins des maraîchers vivant dans les quartiers de Lalande, les villes de Saint-Jory et Launaguet, au nord de Toulouse. En 1985, une association de jeunes horticulteurs se bat pour la reconnaissance de cette production et obtient l’appellation « Violette de Toulouse », liant intimement la fleur et la ville.
En 1993 nait l’association Terre de Violettes. Elle regroupe à la fois les industriels qui produisent des parfums, des liqueurs et des violettes cristallisées. Pour redynamiser et moderniser l’image de la fleur, l’association intervient auprès des médias et lance la Fête de la Violette.
Chaque année, à la mi-février, la place du Capitole se couvre de plants en pots, de bouquets de fleurs fraiches. On y découvre aussi tous les produits dérivés.
Les boutiques de la ville la déclinent en effet en un parfum suave dans de jolis flacons mais aussi en savons, bougies, gâteaux, bonbons ou confitures !
La Cité des violettes abrite une Confrérie de la violette et la violette demeure l’une des récompenses décernées par l’Académie des jeux floraux de Toulouse.
Sur le Canal du Midi, une péniche entièrement dédiée à la violette toulousaine et peinte à ses couleurs, est amarrée près de la gare Matabiau.
Mais la violette, est aussi symbole de l’amour comme nous le rappelle l’inoubliable opérette de Francis Lopez, Violettes impériales, immortalisée à jamais par la voix de Luis Mariano…